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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1081

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mettant chacune dans la couleur du spectre solaire analogue à leur couleur propre. Il résulte même de là une sévère épreuve pour la pureté de la teinte d’une pierre, car si cette teinte est parfaitement pure et sans mélange, la pierre doit paraître complètement noire dans toute autre lumière que la sienne. Toutes les pierres laiteuses ou glacées ou d’une teinte composée succombent à cette épreuve décisive.

A l’époque récente où le Pégu fut annexé aux possessions anglaises de l’Inde, ce pays des rubis sembla devoir envoyer à l’Europe plusieurs de ses belles productions, si avarement gardées par les princes indiens. Il n’en a rien été. Du reste, il n’est pas bien prouvé que les mines en soient encore exploitées, et cette partie de l’Asie est une des moins connues du globe. Les négocians en rubis, sans doute pour donner plus de prix aux objets de leur commerce, ne tarissent pas sur le nombre des tigres, des lions, des éléphans et des serpens venimeux qui peuplent les forêts et les plaines de ces contrées, qui, suivant eux, ne sont accessibles que par les embouchures des fleuves navigables qui arrivent à la mer. L’état actuel bien constaté de l’île de Bornéo semble confirmer leurs assertions un peu intéressées. Je ne sais si les rajas attachent des idées superstitieuses à la possession des rubis; mais il est certain qu’ils n’en vendent aucun qui soit d’un poids un peu considérable. Avec le Koh-i-noor, Runjeet-Singh possédait un rubis non moins précieux, ayant la forme du gros bout d’un œuf que l’on aurait coupé en deux. Cette pierre énorme, dont la base était un cercle de 52 millimètres de diamètre avec une hauteur de 30 millimètres, faisait partie du collier de ce prince, qui l’estimait (sans crainte de trouver un acheteur) à 12,500,000 livres sterling, c’est-à-dire quelque chose comme 300 millions de francs ! Nous ne savons rien sur la qualité et sur le poids de cette énorme gemme, qui n’a point été apportée en Angleterre. Le rubis est, avec le saphir, le zircon et le grenat, une des plus lourdes pierres, et dans l’eau il ne perd, comme le saphir, que le quart de son poids environ.

Les Indiens enchâssent leurs beaux rubis dans le chaton très relevé d’une bague d’or, et les entourent de plusieurs rangs de diamans très petits, de sorte que le tout produit une éminence disproportionnée qui jette la pierre à droite ou à gauche. Potemkin avait plusieurs bagues pareilles ; mais il semble que le bon goût n’admet pour une belle gemme qu’un simple anneau français, avec une sertissure peu élevée, — Par exemple un solitaire en diamant de 3 à 4 carats.

La composition des rubis n’est pas moins extraordinaire que celle du diamant. Ainsi que la saphir, le rubis n’est autre chose qu’un peu de terre glaise cristallisée et colorée dans les deux pierres par le fer, que les naturalistes appellent le peintre de la nature. Pour ne pas trop répéter cette étrange assertion, que la nature a fait les pierres