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pensée de mettre la Belgique en état de défense, afin de constituer sans doute une neutralité armée. Ce serait peut-être aller au-devant du danger contre lequel on veut se prémunir. Sur quoi cependant se fondait cette émotion du parlement belge ? Le ministre des affaires étrangères, M. Henri de Brouckère, est venu dire fort simplement qu’aucune demande n’avait été adressée au gouvernement du roi Léopold, et qu’il n’avait eu aucune réponse à faire ; il a rappelé d’ailleurs que la neutralité n’était point un choix pour la Belgique, mais la loi même de son existence, d’après les traités qui l’ont constituée. C’est là en effet, c’est dans son droit que la Belgique peut trouver son vrai bouclier, et non dans un appareil militaire qui lui coûterait à coup sûr beaucoup d’argent, sans la garantir peut-être avec une parfaite efficacité. Que la Belgique tienne à la neutralité comme à une loi naturelle et fondamentale de son existence, cela est très simple ; mais il y a un point où il n’est ni sage ni habile de faire trop de bruit en faveur de cette neutralité, au-dessus de laquelle après tout est l’intérêt général de l’Europe. Ainsi, on le voit, la question qui s’agite aujourd’hui se manifeste sous bien des formes, et par des incidens bien divers. Hostilités qui se poursuivent, négociations qui se préparent au milieu des armemens agrandis, crises ministérielles, débats sur les neutralités, tout marche, tout se mêle, tout découle d’une mène source et se rapporte à une pensée unique, celle de la lutte dans laquelle l’Europe est absorbée, prête à accepter également une paix juste ou la continuation d’une guerre qui n’est qu’un acte défensif pour sa sécurité et sa civilisation.

La France a naturellement dans une telle lutte la situation et l’influence que lui donnent son rang dans le monde, ses forces et ses ressources. Les conditions intérieures de notre pays changent peu d’ailleurs. Elles n’ont, pour suppléer à l’activité organisée de la vie publique, que ce travail permanent des esprits, partagés entre les intérêts positifs et les complications de la crise actuelle. Quelle que soit l’issue de ces complications, le plus clair pour la France, c’est que son armée porte héroïquement le noble poids de ses vieilles traditions, et au moment où peut s’aggraver encore la situation militaire et politique de l’Europe, il n’est point indifférent de se rendre compte de l’état réel de nos ressources financières. C’est là ce qu’on peut voir dans le rapport récent du ministre des finances à l’empereur et dans le projet de budget qui vient d’être présenté au corps législatif.

Le rapport ministériel n’offre naturellement que des résultats généraux. Il rappelle les découverts qui depuis longtemps pèsent sur le trésor, et qui s’élèvent à la somme 700 millions. Il montre l’élévation progressive des revenus publics, la facilité du recouvrement des impôts. Une première question se présentait cependant : c’était celle de savoir comment l’état pourrait faire face à toutes ses dépenses, en dehors même des ressources, en rétablissant les 17 centimes dont la contribution foncière avait été dégrevée il y a trois ou quatre ans. Il a préféré arriver, par des négociations avec les compagnies de chemins de fer, à diminuer ses charges présentes, sauf à laisser à l’avenir sa part de responsabilité. Il a proposé en même temps le rétablissement