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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1109

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ridée principale de ce tableau, que M. Paganel a tracé d’une main ferme et habile, en mêlant la peinture des mœurs au récit des événemens, en faisant revivre sous des couleurs nouvelles un épisode du xve siècle, en rattachant cette lutte obscure d’une peuplade grecque à l’histoire générale. C’est ainsi que le livre de M. Paganel a tout ensemble l’intérêt d’une étude savante et exacte et un attrait presque actuel. De l’histoire même jaillit la lumière pour la politique, et cette politique, différente de celle qui laissa tomber Constantinople il y a quatre siècles, est aujourd’hui l’affaire de l’Europe tout entière.

Ce n’est point par malheur que tous les pays soient également en situation d’entrer dans cette lutte engagée pour l’intérêt commun. S’il est des gouvernemens que retiennent les irrésolutions d’une politique sans fixité, il en est aussi qui seraient impuissans, parce qu’ils sont à se débattre dans toutes les complications de leur vie intérieure. Le plus terrible résultat des révolutions, c’est d’enchaîner l’action extérieure d’un pays et de tout ramener aux considérations d’une existence précaire. Il en est ainsi de l’Espagne. La Péninsule subit la triste loi qu’on lui a faite : elle se trouve aux prises avec toutes les difficultés, et sa tranquillité matérielle même est loin d’être assurée au milieu de toutes les menaces de conspirations carlistes. L’assemblée constituante de Madrid poursuit cependant ses travaux, et pour peu qu’elle continue, l’Espagne n’aura point de si tôt une constitution. C’est à peine si jusqu’ici quelques articles ont été discutés. Il y a néanmoins une chose à remarquer, c’est que tout ce bruit révolutionnaire qui s’est fait durant ces quelques mois à Madrid, et qui se fait encore par momens, a peut-être au fond moins d’importance qu’on ne le suppose, et il y a pour cela une raison fort sérieuse : c’est qu’une révolution véritable qui chercherait à porter atteinte à quelques-unes des conditioûs fondamentales de la société espagnole risquerait de soulever immédiatement le pays contre elle. Rien de plus instructif à ce sujet que la discussion récente qui a eu lieu dans les cortès sur la question religieuse. Une révolution s’accomplit : c’était certes l’occasion de chercher à faire prévaloir la liberté des cultes. On l’a bien essayé en effet ; on a multiplié les amendemens. Qu’est-il arrivé néanmoins ? La commission de constitution a repoussé tous les amendemens, en maintenant sa rédaction, qui implique sans doute la liberté de conscience, mais ea interdisant tout exercice public des cultes autres que le culte catholique, ce qpii n’est en résumé que la continuation de ce qui existait. La comuussioa a toujours répondu, ou à peu près, qu’elle ne demanderait pas mieux, sans contredit, que de proclamer la liberté des cultes, mais qu’elle ne pouvait pas se dissimuler qu’elle se mettrait en contradiction flagrante avec le sentiment du pays. Le gouvernement lui-même n’a point hésité à se prononcer dans ce sens, et le ministre des affaires étrangères, M. Luzurriaga, s’est exprimé avec autant de netteté que de chaleur. La décision déflnilive des certes n’est point intervenue encore. Il est peu probable cependant que le dernier scrutin n’ait pas le même résultat que dix votes qui ont eu lieu déjà sur la même question.

Une autre affaire s’est présentée et démontre bien ce qu’il y a de factice