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entonnent la Marseillaise, et tous ensemble tombent sur les Kabyles, dont ils arrêtent la poursuite par cette remise de main inattendue. Pendant tout le reste du jour, Duvivier couvrit la retraite; secondé par d’intelligens officiers, maître de lui-même et de sa troupe, il se reploya de mamelons en mamelons, échelonnant ses compagnies, disputant le terrain, et arriva ainsi à la ferme de Mouzaïa, où l’armée se ralliait, sans avoir abandonné un trophée à l’ennemi.

La retraite de Medeah fit le plus grand honneur aux zouaves et leur donna droit de cité dans l’armée française. Dans toutes les affaires où ils furent engagés ensuite, ils soutinrent dignement la réputation que ce combat leur avait donnée; mais l’hostilité chaque jour plus vive des indigènes, la formation du 67e de ligne et de la légion étrangère rendaient leur recrutement difficile : on ne put compléter le 2e bataillon, et un arrêté du général en chef réunit les deux en un seul. L’ordonnance royale du 7 mars 1833 fixe le nombre des compagnies à dix, huit françaises et deux indigènes; il devait y avoir douze soldats français dans chaque compagnie indigène. Cependant un accident grave avait forcé le commandant Maumet à rentrer en France; Duvivier avait été appelé à Bougie. Le commandement des zouaves avec le grade de chef de bataillon fut donné au capitaine de Lamoricière, qui, entré dans le corps à sa formation, s’était déjà signalé plusieurs fois par sa valeur et ses qualités militaires, et qui, chargé récemment d’organiser le premier bureau arabe, avait montré dans ces fonctions difficiles une connaissance déjà assez complète de la langue et des mœurs des indigènes, un esprit très prompt, beaucoup d’audace et de prudence, beaucoup de finesse et de loyauté, avec une infatigable ardeur.

On avait pris le parti de faire camper les troupes dans les environs d’Alger. Le poste de Dely-Ibrahim avait été assigné aux zouaves : ils y créèrent seuls tous les établissemens; maçons, terrassiers, forgerons, ils suffisaient à tout. Le temps qui n’était pas consacré au travail se passait à perfectionner l’instruction militaire. Des courses continuelles dans le Sahel, dans la Mitidja, dans les premières gorges de l’Atlas, de fréquens combats, rompaient la monotonie de la vie du camp. Chaque jour était marqué par un progrès; chaque jour, les zouaves devenaient plus industrieux, plus disciplinés, plus aguerris; ils apprirent à marcher vite et longtemps, à porter sans fatigue le poids de plusieurs jours de vivres, à manœuvrer avec précision, à combattre avec intelligence. L’uniforme et l’équipement furent réglés et perfectionnés ; l’un et l’autre sont si populaires aujourd’hui, si connus en France et en Europe, que ce serait peine perdue de les décrire. C’est le costume oriental sous les couleurs de l’infanterie française, mais avec quelques modifications qu’un œil exercé