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la solennelle horreur du silence et de l’obscurité. Ces profondeurs muettes où la vie ne développe aucune de ses formes, ni plantes, ni animaux; l’éternel silence des pesantes voûtes, interrompu seulement par le frémissement de la houille, qui, de moment en moment, se détache; le tonnerre lointain des brouettes de tôle sur les voies de roulage; des galeries qui vont on ne sait où et qu’entrecoupent d’autres galeries; des sources, des flaques noirâtres et huileuses sur lesquelles tombe une larme de rocher; le bruit de l’eau sur l’eau; toutes ces impressions mêlées laissent l’esprit suspendu entre la poésie des rêves et la poésie des faits. L’homme, dans les temps modernes, ne l’emporte sur les anciens ni par le sentiment du beau, ni par le goût, ni par la délicatesse des formes littéraires; mais il est un terrain sur lequel la puissance d’exécution s’est accrue, et ce terrain, c’est celui de l’industrie. Les anciens chantaient le merveilleux; nous le réalisons.

On se familiarise bien vite avec l’obscurité de ces lieux étranges, tant le travail de l’homme et la hardiesse de ses entreprises vous rappellent de tous les côtés au sentiment de la vie. Pour le mineur, la mine est un atelier tout comme un autre, seulement un peu plus sombre; tout ce dont il se plaint, c’est de la longueur des échelles. Quoique l’habitude efface les impressions moroses qui résultent pour l’étranger d’un séjour de quelques heures dans ces galeries où le jour est inconnu, nous avons pourtant observé un fait qui s’est répété plusieurs fois sous nos yeux. En général les ouvriers arrivent tumultueux et bruyans à l’embouchure de la fosse, l’écho du puits redit encore à de certaines profondeurs les derniers accens de leur voix retentissante; mais à mesure qu’ils avancent, les chants s’éteignent, le silence de la mine les gagne peu à peu, et leur visage se conforme à la gravité taciturne des travaux souterrains. Rien n’est sérieux comme la nuit; les enfans eux-mêmes, qu’on rencontre courant dans les galeries, ont l’austérité des fonctions utiles qu’ils remplissent; quelques petites filles de douze à treize ans montrent une figure intéressante, mais triste. La fosse déteint, pour ainsi dire, en noir sur le moral des ouvriers et des ouvrières qui l’exploitent.

L’architecture de la mine, s’il est permis d’appeler ainsi l’ensemble des constructions souterraines, est déterminée en général par l’allure des couches et par la nature des terrains qu’on traverse. En Angleterre, on maintient les voûtes par des piliers taillés dans la roche elle-même, et dont quelques-uns n’ont pas moins de 9 pieds de haut, sur 36 pieds carrés de large à la base. En Belgique, où les couches de houille sont moins épaisses que dans la Grande-Bretagne, où elles se présentent à une plus grande distance du sol, et où elles s’associent à des roches d’une consistance moins solide, on est obligé d’appuyer le toit des galeries sur des pièces de bois. Le chêne, le