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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1188

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sapin, le hêtre, que l’emploi de la houille enlève au chauffage, descendent au fond des mines, dont ils protègent les travaux. Cette forêt de charpentes donne à la conformation intérieure de la mine un style primitif et grossier, mais qui ne manque point de caractère. Comme on rencontre des couches sous des couches, il a fallu creuser des galeries sous des galeries. De ces allées obscures, les unes suivent la direction, les autres l’inclinaison des couches. Ces descentes brusques, ces escaliers tortueux par lesquels la mine s’enfonce à des profondeurs considérables, s’ouvrent à travers des masses schisteuses hachées dans un sens ou dans un autre; la vie des lignes, c’est la seule qu’on rencontre dans ces solitudes muettes. Par le caractère sévère et grandiose des travaux d’art, par la nudité imposante de ces voûtes qui s’abaissent et se relèvent tour à tour, par le recueillement lugubre des ténèbres amassées dans ces galeries incultes, véritables cryptes où l’on s’avance en rampant, par l’ordre et la discipline en quelque sorte religieuse des services accomplis dans l’intérieur de la terre, la mine réveille naturellement l’idée de ces anciens temples, cavernes sacrées, dans lesquels se pratiquaient les mystères. Seulement la divinité qu’on adore ici dans le silence et le travail des mains n’est pas une idole barbouillée de sang et ennemie de l’homme : c’est au contraire le génie bienfaisant des temps modernes, la production. Tout annonce en effet dans l’intérieur de la mine la victoire économique de l’esprit sur la matière. A travers quels obstacles l’industrie s’est frayé une route! Des pelles, des marteaux, des pics, des pinces, des leviers, quand on compare ces faibles outils à la puissance des excavations et des percemens, on reste anéanti devant la somme des travaux qui ont rendu le sein de la terre accessible à l’homme. Il est vrai qu’au secours des bras et des outils l’art du mineur a appelé une force étrangère qui a centuplé les forces des ouvriers. Il faut être descendu dans les mines pour apprécier la valeur de cette locution proverbiale : inventer la poudre. La plupart des historiens qui ont parlé de cette découverte, et qui en font honneur à Roger Bacon ou au moine Schwartz, n’ont envisagé la poudre qu’au point de vue stratégique; ils en ont méconnu les services industriels. Depuis plus d’un siècle, en effet, on se servait de cette matière inflammable dans les armes de guerre, lorsqu’en 1632 l’idée vint de l’employer à la rupture et à l’abatage des roches : ce fut une révolution dans l’art des mines. De simple agent destructeur qu’elle avait été jusque-là dans les mains de l’homme, la poudre devint alors une force génératrice d’utilité. Sans elle, sans le concours de ces explosions fécondes qui représentent du travail, le mineur n’eût jamais pu conquérir ces masses de houilles, l’orgueil et la richesse des provinces qui les ont découvertes.

La guerre économique faite à la matière excite chez ceux qui en