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étage décorent le toit des galeries : quelques-unes de ces moulures se laissent détacher sans effort avec la main. Comme le botaniste qui rapporte dans son herbier le souvenir de ses voyages, nous avons conservé de nos excursions souterraines une variété de plantes fossiles, sorte d’herbier pétrifié que la nature s, est chargée de préparer elle-même : de ces plantes, la forme seule est restée, la matière a disparu.

L’histoire de la flore du terrain houiller est un chapitre de l’autobiographie de la terre. De la surface du sol à l’intérieur de la mine, quelle révolution s’est opérée dans les lois du monde physique ! De toutes les plantes que vous venez de laisser encore vertes ou engourdies par le froid à la lumière du jour, pas une seule ne se retrouve dans les empreintes végétales fixées à la voûte des sombres galeries : traverser l’espace souterrain, c’est traverser le temps, et avec le temps tout change, même l’éternelle nature. Les traits de la flore carbonifère sont peu variés : des fougères arborescentes, dont les feuilles délicates s’épanouissent en fines nervures, de grossiers roseaux, des sigillaires au tronc cannelé et marqué de cicatrices, telles sont les traces d’ancienne végétation qu’on retrouve le plus communément dans les houillères. Ces vestiges de plantes se ressemblent dans toutes les mines de la Belgique; ce sont les mêmes qu’on retrouve en Amérique, depuis les couches de l’état d’Alabama jusqu’à celles du Canada, et dans toute l’Europe, depuis les contrées chaudes jusqu’au Groenland, jusqu’à ces îles aujourd’hui glacées où il fait nuit pendant trois mois de l’année. L’étendue de cette flore étonne et appelle les réflexions de l’observateur. Les plantes étant pour ainsi dire les filles de l’air, de l’eau et de la lumière, on peut, à l’aide de la géographie botanique, déterminer le climat des pays qu’on n’a jamais vus; ce qui est vrai des divisions actuelles du globe l’est au même titre des différentes époques de la nature : l’uniformité des caractères qui distinguent l’ancienne végétation nous démontre que la température devait être alors la même sur toute la terre. Les gigantesques fougères du terrain houiller nous apprennent en outre que cette température devait être humide et également chaude pendant toute l’année dans les latitudes qui, comme celle de la Belgique, sont aujourd’hui froides et variables, car une constante humidité et une chaleur fixe ont pu seules donner naissance à ces formes arborescentes, qui ont dégénéré, au moins dans nos contrées froides, avec le changement des lois météorologiques; les anciens géans du règne végétal en sont aujourd’hui les nains. Non-seulement les plantes sont en quelque sorte des thermomètres organiques, mais encore elles portent dans leur conformation la trace des circonstances extérieures au milieu desquelles leur existence s’est accomplie : c’est