Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manque de cet esprit d’ordre sans lequel le travail le plus vaillant et le plus soutenu n’est encore qu’une force improductive. Les économistes, qui ont fait remonter, et avec raison, l’origine de l’état social à la prévoyance et au sentiment de l’épargne, ont avancé un grand fait dont ils ont oublié de tirer la conséquence : ils auraient dû ajouter que la femme était par cela même l’auteur de la civilisation. La femme est prévoyante, parce qu’elle est mère. Pour songer au lendemain, pour calculer les chances de perte et de maladie, pour retrancher le superflu et le mettre sous clé, elle n’a qu’à regarder ses enfans. Ce sont, si l’on ose ainsi dire, ses entrailles qui sont économes. La femme est la fourmi; l’homme est la cigale : quand il ne chante pas, il danse; quand il ne danse pas, il boit. Confiant dans sa force, dans sa jeunesse, il oublie généralement d’assurer pour l’avenir les fruits de son ardeur à l’ouvrage. Sous ce rapport-là, le mineur est homme à la troisième puissance; insouciant comme le nègre, dont six jours sur sept il porte la couleur, il dissipe quand il a, il se prive quand il n’a plus. On a cherché à être prévoyant pour celui qui ne l’est guère, en fondant des institutions qui obligent l’ouvrier des charbonnages à se prémunir contre les dangers du métier : il existe en Belgique six caisses communes d’assurance contre les cas d’accidens, trois dans la province de Hainaut, et les autres dans les provinces de Liège, de Namur et de Luxembourg. En 1852, l’ensemble des recettes pour les caisses communes de prévoyance et pour les caisses particulières de secours a été de 989,369 francs; — l’ensemble des dépenses a été de 809,401 francs. Voici maintenant dans quelle proportion entrent les différens élémens dont ces recettes se composent :


Versement des ouvriers 62 92 pour 100.
Cotisation des exploitans 25 73 —
Recettes diverses 6 85 —
Subside de l’état 4 50 —

C’est donc essentiellement à ses contributions ou, en d’autres termes, aux retenues pratiquées sur le salaire que l’ouvrier des charbonnages belges doit les institutions de prévoyance et les bienfaits qui en découlent. Ces bienfaits consistent en secours distribués à des ouvriers blessés, en pensions servies à des veuves, à des orphelins, à des travailleurs infirmes et mutilés : les pensions sont de 180 à 200 francs. Ces ressources sont bien faibles sans doute, comparées aux maux qu’elles doivent soulager; mais c’est l’histoire des deux paysans wallons dont l’un se plaignait à l’autre du maigre filet d’eau qui traversait en été son champ aride et pierreux. « Que serait-ce donc, répondit le voisin, si ce petit ruisseau ne coulait pas! » Les