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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1236

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IXe au XIIe siècle, à Malte, en Sicile, en Sardaigne, en Corse, dans les Baléares, en Espagne, c’étaient moins des armées que des populations qui se transportaient, et il fallait pour ces conquêtes une force navale considérable. Les traités de commerce du XIIIe et du XIVe siècle prouvent que la marine marchande de Tunis, de Bone et de Bougie soutenait alors la concurrence de celles de Pise et de Barcelone; la plupart des termes de la pêche du corail et de celle du thon sont dérivés de l’arabe; enfin la facilité avec laquelle les vice-rois d’Egypte et les imans de Mascate ont de nos jours formé des marines témoigne de l’aptitude des populations dont ils ont disposé. La hardiesse des indigènes de l’Algérie à braver sur de frêles embarcations une mer orageuse suffirait, à défaut de ces exemples, pour montrer ce que, bien dirigés, ils seraient en état de faire. La famille arabe occupe les côtes de la Mer-Rouge, celles d’Asie, du détroit de Bab-el-Mandeb jusqu’à l’entrée du golfe Persique, et elle a formé des établissemens sur tous les points maritimes du royaume de Zanzibar et du canal de Mozambique. La communauté d’origine et de langage appellerait nos Arabes à l’exploitation de ces parages, et nous ne justifierons jamais si bien notre conquête qu’en les protégeant dans de pareilles entreprises.

L’Italie est, par son allongement vers le sud-est et l’étendue de ses côtes, dans les meilleures conditions pour profiter de la communication directe avec les Indes. Les ports de Messine, de Palerme, de Cagliari, de Naples, de Livourne, sont les plus rapprochés de l’Egypte, mais les limites des aires territoriales qu’ils desservent leur assignent un rang inférieur à celui des ports de Gênes et de Venise, qui, appuyés sur la plus riche vallée du monde, peuvent en outre entrer, sur le revers septentrional des Alpes, en partage de l’exploitation des bassins du Rhin et du Danube.

Gênes a sur les autres villes maritimes de l’Italie l’avantage d’être assise sur une côte peuplée de marins, dont la hardiesse, la patience, la vigueur ne sont nulle part surpassées. La Rivière ne compte pas moins de 27,000 matelots; elle possède un matériel naval de 178,000 tonneaux, et sa métropole est un puissant réservoir de capitaux familiarisés avec les entreprises navales. La Méditerranée ne suffit plus au besoin d’expansion de cette population. Les anciens Génois avaient semé les côtes de la Gaule et de l’Ibérie d’établissemens si nombreux, que les eaux adjacentes en avaient pris le nom de Ligustinum mare; ce système d’occupation se renouvelle aujourd’hui sur les rives du Brésil et de la Plata. Des associations de païens et de voisins formées tout le long de la Rivière de Gênes, montant des navires qui leur appartiennent et construits sous leurs yeux, si ce n’est de leurs mains, conduisent une partie de leurs membres