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et les Indes suivent, ne fût-ce que par l’effet du développement normal de l’industrie et des besoins de la société, une progression régulièrement croissante. Enfin le remarquable essor des expéditions d’Australie, qui se manifeste en 1853 par la supériorité des sorties des ports d’Angleterre, assure des retours équivalens. L’exploitation de cette terre nouvelle devient la base d’une multitude d’échanges qu’on ne prévoyait pas il y a deux ans.

C’est donc rester dans des termes très modérés que d’évaluer à 2 millions de tonneaux le mouvement qui aujourd’hui même prendrait le passage de Suez. De notables accroissemens lui seraient immédiatement acquis. Le plus considérable sera sans contredit celui qui résultera de l’économie du voyage et de l’extension de consommation que le développement du travail et de l’aisance en Europe doit faire descendre du sein des classes placées au sommet de la pyramide sociale jusqu’à celles qui en forment la base. Il est, d’un autre côté, probable qu’avant l’ouverture de la communication entre la Méditerranée et la Mer-Rouge, les barrières qui ferment aux étrangers la Chine et le Japon seront tombées, et quand ces contrées ne seront plus qu’à deux ou trois mois de la Méditerranée, le champ des relations recevra un prodigieux élargissement. Le déplacement inévitable d’une partie du commerce de l’Europe avec l’Amérique équinoxiale au profit de l’Inde enrichira davantage encore le passage de Suez. Enfin, sur les voies les plus étendues, le mouvement local surpasse ordinairement, par la multiplicité des objets auxquels il s’applique, l’importance de celui des matières que leur valeur met en état de supporter de longs voyages. Il n’en sera pas ainsi dans un passage resserré où se croiseront les produits de deux hémisphères ; mais l’Egypte elle-même n’en fournira pas moins à la circulation du canal maritime un contingent qui paierait largement la rente d’un canal approprié aux seuls besoins locaux.

Le concours de tant d’objets de transport, les uns connus, les autres latens, mais n’attendant pour se présenter et s’étendre que l’ouverture du véhicule qui leur est destiné, permet de compter que la circulation atteindrait promptement sur le canal d’Alexandrie à Suez la somme de à millions de tonneaux[1]. Un péage de 10 francs par tonneau pour le parcours entier n’aurait rien d’effrayant pour le commerce : il rendrait AO millions de francs. Telle serait la base d’opérations large et sûre qu’on pourrait adopter ; mais ici plus qu’ailleurs les questions d’abaissement des tarifs doivent être

  1. On ne connaît aucun exemple d’un mouvement aussi considérable, et ce sera un problème fort intéressant à étudier que celui de l’établissement d’ouvrages hydrauliques destinés à donner passage à une pareille circulation ; il est clair qu’un seul sas d’écluse par bief n’y suffirait pas.