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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1262

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de trois campagnes malheureuses. Un journal anglais disait aussi l’autre jour : « Notre système est admirablement adapté à un état de paix ; mais de nombreuses expériences ont établi la triste vérité qu’une armée anglaise, telle qu’elle est en temps de paix, est aussi propre à faire la guerre qu’une vache à courir un steeple chase. Au bout de deux ou trois ans, un général exceptionnel parvient à composer une armée, des officiers, des intendances, et finit par gagner des batailles ; mais ceci n’arrive qu’après que nous avons perdu au moins une armée : c’est le prix que nous payons pour rompre cette loi de la paix qui paraît être la mission spéciale de notre pays… » M. Sidney Herbert, que nous citons souvent parce qu’il était un des ministres de la guerre, disait encore dans la chambre des communes : « Qu’est-ce, je vous le demande, que ce que vous appelez l’armée anglaise ? Ce n’est qu’une collection de régimens. Certainement la discipline de ces régimens est excellente, mais ce n’est pas une armée… Il y a en Crimée des officiers généraux qui, jusqu’à ce moment, à moins qu’ils n’eussent servi dans l’Inde ou tenu garnison en Irlande, n’avaient jamais de leur vie seulement vu une brigade… Comment pouvez-vous attendre que des hommes qui n’ont jamais vu une armée en campagne puissent se montrer des administrateurs innés, et faire ce que non-seulement ils n’ont jamais pratiqué, mais n’ont jamais vu faire ?… »

Voilà ce qu’est une armée anglaise quand elle entre en campagne ; il en a toujours été ainsi, et il est extrêmement curieux de voir le duc de Wellington raconter lui-même, dans ses dépêches, l’état dans lequel il trouva l’armée de la Péninsule. Ainsi il écrivait de Cartaxo le 21 décembre 1810 : « Il est assurément étonnant que l’ennemi ait pu se maintenir si longtemps ici, et c’est un exemple extraordinaire de ce que peut faire une armée française. Avec tout notre argent, et ayant pour nous les bonnes dispositions de la population, je vous assure que je ne pourrais faire vivre une division dans le district où les Français ont maintenu pendant deux mois soixante mille hommes et vingt mille chevaux. » Wellington écrivait encore le 11 février 1812 : « Pendant que j’en suis au chapitre de l’artillerie, je prendrai la liberté d’insister sur l’utilité qu’il y aurait à ajouter au génie un corps de sapeurs et de mineurs… Il n’y a pas un corps d’armée français qui n’ait un bataillon de sapeurs et une compagnie de mineurs ; mais nous, nous sommes obligés de recourir, pour cette besogne, aux régimens de la ligne, et si braves et de si bonne volonté que soient les hommes, il leur manque les connaissances et l’exercice nécessaires… »

C’est encore en effet une des causes de supériorité d’une armée française en campagne que cet état complet d’organisation qu’elle