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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1267

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témoignage du duc de Wellington, qui avait dit dans la chambre des lords : « Les armées de l’Angleterre, qui nous ont si bien servis, elles ne contenaient pas un tiers d’Anglais. Voyez les Indes, il n’y a pas un tiers d’Anglais. Voyez la Péninsule, il n’y a jamais eu dans ces armées un tiers d’Anglais. Et cependant ces troupes ont lutté contre les premières troupes du monde. Elles n’étaient pas seulement braves, car je suis convaincu que tous les hommes sont braves, mais elles étaient bien organisées. Prenez Waterloo ; voyez ce qu’il y avait là de troupes anglaises… Les étrangers ont été nos auxiliaires dans cette bataille, qui a été nommée justement une bataille de géans, et ce sont eux qui nous ont aidés à conquérir cette paix qui dure depuis trente-cinq ans… »

Mais ceux qui raisonnaient ainsi oubliaient la différence des temps et des positions. Les étrangers qui dans la lutte suprême de l’Europe étaient venus se concentrer sous le commandement de Wellington ne combattaient pas pour l’Angleterre, mais pour eux-mêmes et pour la cause commune des nationalités. L’Angleterre était alors à la tête de tous les protestans contre l’empire. Les légions étrangères, composées d’Espagnols, de portugais, de Hollandais, de toutes sortes d’Allemands, et d’émigrés français, défendaient leur propre cause, et combattaient pour leur propre indépendance et pour leurs propres croyances. Cette fois au contraire le gouvernement anglais se défendait de faire appel aux nationalités éteintes ou étouffées. Il ne pouvait point former une légion polonaise, puisqu’il était l’allié de l’Autriche et voulait être celui de la Prusse, ni une légion italienne, puisqu’il était l’allié des dominateurs de l’Italie, ni une légion d’émigrés français, puisqu’il était l’allié du gouvernement établi en France. Pour trouver des soldats en Allemagne, il demandait le consentement des gouvernemens allemands, ce qui était leur demander une déclaration de guerre contre la Russie. Dans ce cas, il eût été plus simple de conclure avec eux des traités et de leur donner, comme autrefois, des subsides.

Nous avons dit quelle impression de colère mêlée de honte cette loi causa en Angleterre. Pour faire passer cette coupe d’amertume il fallut des moyens violens. Il fallut mettre à nu les plaies nationales, et ce fut lord John Russell qui se chargea de cette opération. Il déclara cruellement et crûment à ses compatriotes qu’on ne pouvait pas faire la guerre simplement en chantant la Marseillaise en anglais, et que si le gouvernement allait chercher des soldats sur le continent, c’était parce qu’il n’en trouvait pas en Angleterre. Il leur déclara que le gouvernement ne voulait pas assumer seul l’impopularité des mesures que lui imposait la nécessité, et qu’il fallait que tout le monde en prît sa part. Nous le laissons parler : « La