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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1280

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pente assez rapide pour qu’en moins de douze heures on puisse atteindre des sommets dont l’altitude est de près de 10,000 pieds, ce qui représente, en moyenne, un mouvement ascensionnel de plus de 800 pieds par heure. Arrivé à ces sommets, on voit la montagne prendre, presque subitement, sur un développement de quinze lieues au moins, l’aspect d’une muraille gigantesque qui devient le côté occidental d’une vallée limitée à l’orient par une autre chaîne tout à fait indépendante du Liban, et qu’on nomme l’Anti-Liban. Cette vallée, qui a quatre lieues environ de largeur, et qui reçoit naturellement des eaux des deux côtés, fut nommée autrefois la Cœlé-Syrie, et s’appelle aujourd’hui la Becka. M. de Lamartine l’a désignée sous le nom de désert de Becka : heureux désert, en vérité ! car les eaux du Léontés, auxquelles se mêlent les eaux de Balbeck et de Surgaya, y permettent des arrosemens abondans et faciles qui aident au développement de cultures. sans lesquelles les populations du Liban paieraient bien plus cher les céréales qu’elles consomment. Singulier désert aussi ! car des populations sédentaires s’y rencontrent à chaque pas, et à côté de vingt villages peut-être on y voit une ville, Zakleh, qui compte plusieurs milliers d’habitans.

Ce qu’il y a de remarquable dans les dispositions relatives des deux massifs qui bordent la Becka, c’est que, sur une étendue considérable, ils sont d’un parallélisme si exact, qu’on pourrait presque considérer le sol de la vallée comme un parallélogramme allongé se terminant au sud en un point où le Dgebel-el-Cheik (montagne du cheik), le plus haut soulèvement de l’Anti-Liban, vient le couper par une de ses ramifications transversales, ramification qui renvoie les eaux du Léontés à la mer Méditerranée. Du reste, il est curieux de voir ce qui a lieu au sud se reproduire au nord, car l’Oronte, qui, à l’opposé du Léontés, a sa direction sud et nord, est arrêté de même par l’un des contreforts des montagnes d’Alexandrette et rejeté, lui aussi, vers la mer. Or, comme les sources du Léontés et celles de l’Oronte ne sont guère séparées l’une de l’autre que par une distance de cinq ou six lieues, il en résulte que le Liban forme une sorte de presqu’île. On conçoit que si les eaux du Léontés et de l’Oronte, au lieu de couler dans le sens de la longueur des chaînes, avaient coulé dans un sens plus ou moins perpendiculaire à leur ensemble, le désert se serait trouvé en possession d’une quantité d’eau qui aurait pu devenir un affluent de l’Euphrate, et qui aurait porté dès lors la fécondité sur d’immenses quantités de terres.

Le parallélisme si net, si tranché, qui existe entre la chaîne du Liban et celle de l’Anti-Liban, à droite et à gauche de la Becka, n’est pas le seul qu’offre cette région, car derrière la première chaîne de l’Anti-Liban s’en élèvent successivement deux ou trois autres.