Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les masques ne tardèrent pas à tomber. La persécution érigée en droit, tous les despotismes encensés, toutes les inquisitions justifiées, ont appris au monde ce que vaut la liberté ultramontaine. Le parti a mis de côté son drapeau de parade. Il est maintenant avéré que la liberté de l’église, dans sa bouche, signifie la domination universelle du clergé sous les ordres de Rome ; il est reconnu que la liberté de l’enseignement, c’est la mort de la philosophie et l’exclusion des laïques de toute fonction spirituelle. Ceux qui avaient taxé nos maximes de doctrine servile ont épuisé tous les genres d’adulation. Le gallicanisme a été trop vengé par le cynisme de ses détracteurs.

Le parti théocratique ou soi-disant catholique en a reçu un échec moral dont il ne se relèvera pas. Déjà il étendait la main jusque sur le gallicanisme civil : il assiégeait les gouvernemens de ses complaisances intéressées ; mais de ce côté il a pu s’apercevoir que les doctrines gallicanes sont devenues des faits indestructibles. La division s’est mise dans ses rangs ; il a perdu quelques-uns de ses plus brillans défenseurs. Dans l’église, l’ultramontanisme a une position plus forte. Enraciné depuis longtemps à Rome, ayant envahi l’épiscopat et la plus grande partie du clergé inférieur, il peut se croire inexpugnable. Toutefois là même le gallicanisme n’a point renoncé à la lutte. En ce moment il commence à relever la tête. Des membres du clergé français ont fait entendre un langage auquel on n’était plus accoutumé : ils parlent de droits et de garanties dans l’église : ils font appel à l’opinion publique et à leurs confrères. C’est dans la lutte actuelle un symptôme considérable, et assurément il n’a point été remarqué comme il le méritait.

Pour défendre contre la faction ultramontaine les restes de la liberté ecclésiastique, un prêtre aujourd’hui doit unir le courage à la science ; dans leurs récens écrits, MM. de la Couture, Prompsault, Laborde, ont prouvé qu’ils possédaient l’un et l’autre. C’est aussi du clergé que viennent deux ouvrages anonymes, également dignes d’attention : un mémoire adressé à l’épiscopat sur la situation présente de l’église gallicane, et l’Église gallicane et ses maximes vengées contre les attaques de M. le comte de Montalembert. Ce dernier écrit contient une bonne réfutation de J. de Maistre. Malheureusement ces productions, si estimables à certains égards, ne renferment encore qu’un gallicanisme incomplet, insuffisant. Elles ne sont pas de nature à saisir fortement l’opinion publique. Les auteurs se bornent aux questions de discipline ecclésiastique ; ils font pour la plupart assez bon marché des droits du pouvoir civil : ils affectent de répudier toute solidarité avec les maximes de nos anciens parlemens ; quelques-uns même applaudissent aux empiétemens sur la souveraineté temporelle. Au lieu de laisser l’intolérance à l’ultramontanisme, dont elle est le principe propre, ils l’éternisent dans le