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la réforme de l’église a été ajournée, et avec elle le repos des états.

À une pareille situation il faut un prompt et énergique remède. Heureusement les audacieuses tentatives du parti ultramontain, les précautions des gouvernemens alarmés, et par-dessus tout l’esprit du siècle, le mouvement souverain de l’opinion, préparent la renaissance du gallicanisme religieux. L’église aussi est lasse de servitude. Là aussi les garanties constitutionnelles deviennent la condition du maintien du pouvoir. Le clergé du second ordre aspire à une juste indépendance, le pouvoir civil comprendra qu’il y trouverait une précieuse garantie de la sienne, et les laïques ne se résigneront pas indéfiniment à n’être rien dans la société religieuse. L’ultramontanisme lui-même n’a-t-il pas été contraint de porter la livrée de la liberté ? Pour répondre aux vœux des vrais catholiques et aux nécessités de l’époque, le gallicanisme n’a point à recourir à d’hypocrites déguisemens, il n’a besoin que d’être lui-même et de se séparer entièrement des fausses doctrines politiques qu’on y a trop mêlées depuis Bossuet jusqu’à Frayasinous. Encore une fois, le gallicanisme se réduit à deux points capitaux : la complète indépendance du pouvoir civil comme base des rapports de l’église et de l’état, le retour aux libertés de la primitive église comme base des réformes religieuses. Or qu’ont de commun ces grands principes avec le despotisme de Louis XIV ou nos récentes théories de légitimité royale ? Suivons les maximes de Bossuet, mais suivons-les jusqu’au bout, sans nous enfermer dans les restrictions qu’y apportèrent les préjugés du XVIIe siècle. Si le gallicanisme a des affinités naturelles avec un système politique, c’est visiblement avec les institutions libérales enfantées par l’esprit moderne, fils aussi de l’Évangile. Là désormais se trouve le seul avenir du gallicanisme religieux, parce que là résident son principe et sa force.

Après avoir rempli les siècles de ses combats et de sa gloire, le gallicanisme, dans sa partie politique comme dans sa partie religieuse, garde toujours un vivant intérêt, et de nos jours encore il suffit d’évoquer son ombre pour émouvoir l’opinion. C’est que le gallicanisme est un des noms de la liberté. On a pu le juger par ses principes, puisés dans des monumens publics. Le gallicanisme relie le présent au passé, il donne à la liberté une tradition illustre. Nos grands rois, nos grands jurisconsultes, nos grands philosophes, nos grands théologiens, furent gallicans. Les cartésiens pour la plupart, Port-Royal, l’Oratoire, l’ordre moderne par excellence, étaient gallicans. Le gallicanisme fut dans le monde entier le drapeau des amis des lumières. C’est au nom du gallicanisme que l’inquisition