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qui a été rejeté par la chambre. Le motif de ce rejet était le désir du parlement de voir adopter un système de restauration de la marine. Il en est résulté la retraite du ministre de ce département, M. Enslie, qui a été remplacé provisoirement par le ministre de la guerre, M. Forstner de Dambenoy. En dehors de cet incident, la grande question soulevée dans la discussion du budget est celle de la réforme des impôts. Le gouvernement avait proposé la suppression des droits de tonnage et de mouture, avec une certaine compensation pour le fisc, résultant d’une augmentation du droit sur la distillerie indigène. De leur côté, divers députés, MM. van Rosse, Thorbecke, van Hœvell, ont fait une proposition tendant à la suppression des droits de tonnage et des droits sur les combustibles. Les opinions se sont trouvées assez divergentes sur l’opportunité de cette mesure, de même que de celle présentée par le gouvernement. Il s’en est suivi quelque incertitude, d’autant plus que le gouvernement lui-même soumettait l’exécution de ces mesures aux circonstances politiques dans lesquelles se trouve l’Europe. Le résultat définitif a été que tous les partis se sont entendus pour ajourner à l’année prochaine la question de la réforme des impôts, et c’est après ce vote que les états-généraux ont interrompu leur session.

Ce n’est pas seulement sur le vieux sol de l’Europe que cette vie politique se déroule avec ses intérêts et ses problèmes. Dans cette multitude de peuples qui s’agitent, qui cherchent le mot de leur destinée à travers des péripéties toujours renaissantes, les spectacles varient avec les races, avec les hémisphères. Le Nouveau-Monde a aussi sa part dans cette histoire de l’année qui finit, et qui a montré une fois de plus les États-Unis dans la puissance de leur développement, les républiques hispano-américaines dans les convulsions de leur anarchie. Le message annuel que vient de publier le président de l’Union n’est que le reflet de la situation actuelle de la grande république américaine, et dans cette situation il y a certes plus d’un trait caractéristique. Le gouvernement de Washington se présentait cette année devant le congrès avec une politique libre de toute complication, affranchie de toute solidarité dans les conflits récens de l’Europe. M. Franklin Pierre n’avait à mentionner qu’un petit nombre de contestations spéciales, qui ont donné lieu à des négociations entre les États-Unis et quelques gouvernemens européens. Il parle peu de l’Espagne, et ne prononce point le nom de Cuba, Il passe sous silence les projets d’annexion des îles Sandwich, qui ont paru se poursuivre un moment avec une singulière opiniâtreté. En général, sauf des réserves faites assez brièvement vis-à-vis de l’Espagne, et bien qu’on puisse voir poindre des difficultés nouvelles du côté du Mexique, M. Franklin Pierce s’attache à professer dans son message le principe d’une politique pacifique, — bien entendu en tant que la paix se concilie avec ce qu’il appelle l’agrandissement légitime des États-Unis. Que le président de l’Union tire quelque orgueil de cet agrandissement, rien n’est plus naturel ; qu’il cherche à mettre dans tout son jour la politique essentiellement pacifique des États-Unis en se fondant sur l’absence d’une armée permanente et de tout élément d’agression, c’est se faire une étrange illusion à soi-même, ou chercher un peu trop à faire illusion au monde. Qu’importe qu’il n’y ait point d’armée permanente et de système organisé pour l’agression là où l’envahissement est la pensée, la passion universelle, là où il se trouve des individus toujours prêts à se lancer en