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du Makoua : il en parcourt les plis en y portant l’extrémité de ses doigts avec la délicatesse du barbier qui rase sa pratique sans l’éveiller. La petite boite est enfin trouvée ; le voleur la fait glisser lentement sous le pli du pagne, et la pousse en haut. Dès qu’il a reconnu, à la fraîcheur du métal, qu’elle est à découvert, il la saisit entre le pouce et l’index, l’enlève rapidement, et disparaît par l’issue qui lui a livré passage. Une fois dehors, le kalla-bantrou referme à deux mains le trou creusé par lui, et efface de son mieux la trace de ses pas sur le sable ; puis il s’éloigne, emportant avec lui les beaux rêves qui berçaient dans leur sommeil les deux pauvres pêcheurs. Ceux-ci s’éveillèrent plus tard que de coutume ; la pensée qu’ils étaient devenus riches les avait déjà rendus paresseux.

— En attendant que nous ayons trente mille roupies à nous deux, dit Bettalou, il faut aller pécher, ne serait-ce que pour fêter par un bon repas la bienvenue du diamant…

Parlant ainsi, il tâtait avec sa main les plis de son pagne, et Dindigal ouvrait la porte de la cabane pour examiner la mer.

— C’est singulier, reprit Bettalou en rajustant autour de son corps la pièce de cotonnade grise, la petite boite aura glissé sous la natte pendant que je dormais. Dindigal, aide-moi donc à la retrouver.

Dindigal jeta un regard de colère et de mépris sur son frère, qui retournait la natte sens dessus dessous et grattait le sable de ses dix doigts.

— Aide-moi donc, répéta Bettalou ; as-tu peur de m’obéir en te donnant un peu de peine pour retrouver notre fortune à tous les deux ?

— Fais semblant de chercher ce que tu n’es pas assez sot pour avoir perdu ! repartit Dindigal. Je ne suis point dupe de tes jongleries.

— On nous a volés, s’écria Bettalou en s’arrachant les cheveux, on nous a volés ; le diamant, la boite, tout a disparu.

— Oui, on m’a volé pour ma part de dix à quinze mille roupies, répliqua le plus jeune des deux frères. Cela est tout naturel ! Les voleurs ne sont-ils pas dans l’usage de venir piller les gens riches, les parias, les Makouas par exemple ?

— On nous a volés, s’écria de nouveau Bettalou, ou j’ai rêvé que j’avais trouvé hier un diamant magnifique.

— Tu as rêvé que tu m’en avais promis la moitié, et ce matin tu veux me faire croire qu’il est perdu !

— Si c’était toi qui me l’avais pris ! dit Bettalou en saisissant le bras de son frère ; si c’était toi !… Tu en es donc capable, puisque tu m’accuses de vouloir te tromper ?…

— Ne me touche pas, fit Dindigal, ou je te prends à la gorge et je te serre le cou jusqu’à ce que tu m’aies dit où tu as caché notre trésor.