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tomber des plis du turban déroulé la petite boite de métal qu’il avait un soir ramassée lui-même sur le bord de la mer. Il la saisit avidement et la secoua à son oreille pour s’assurer que l’anneau et le diamant s’y trouvaient encore. — Pour le coup, s’écria-t-il, je saurai bien la garder ; mais non, prends-la plutôt, Dindigal.

— Brigand ! dit celui-ci en poussant du pied le cadavre du voleur.

— Tu vois bien, reprit Bettalou, qu’il y a des hommes plus dégradés que nous ! Si tu avais reparu en ce monde sous la forme d’un kalla-bantrou, qu’aurais-tu gagné à en sortir si vite ?… Éloignons-nous, mon frère ; les compagnons de ce brigand vont le chercher afin de faire disparaître son corps. Ils auront tenté aux environs quelque expédition hardie dans laquelle celui-ci a été blessé à mort… Marchons.

Dindigal suivit son frère, et ils arrivèrent à la nuit sur le bord de la mer. Les doux Makouas étaient réunis de nouveau sous le même toit.

— Voyons, dit alors Bettalou, réglons nos comptes ; j’ai là deux cents roupies de bon argent enterrées dans le sable, il t’en revient cent.

— Il y a longtemps que ma part d’autrefois est dissipée, répliqua Dindigal, et je n’ai pas droit sur ce que tu as gagné depuis notre séparation.

— Mais tu as toujours ta moitié dans le catimaron et dans les lignes de pêche, dit Bettalou ; c’est clair. Dès demain nous vendrons le diamant, tu prendras ta part, de la somme qu’il nous rapportera, et puis… tu iras vivre où bon te semble. Tu veux être ton maître, n’est-ce pas ?

— Où veux-tu que j’aille ? répliqua Dindigal.

L’aîné des deux Makouas se tourna doucement vers son jeune frère, qui baissait les yeux ; il se fit un moment de silence pendant lequel ces deux misérables pêcheurs, attirés l’un vers l’autre par un courant d’affection fraternelle, éprouvèrent toute la douceur d’une réconciliation sincère. À ce moment-là, ils n’avaient rien à envier à personne.

— Si tu veux me souffrir auprès de toi, Bettalou, je ne te quitterai plus, reprit Dindigal ; je m’ennuie loin de toi.

— Tu es donc bien sûr à présent que je ne t’avais point fait tort ? Voyons, réponds-moi donc, au lieu de dire oui d’un signe de tête.

— Oui, j’en suis sûr, s’écria Dindigal, et j’aurais dû te croire sur parole. J’étais jaloux, j’étais furieux de me sentir dans une si basse condition…, et c’est un malheur dont je ne me consolerai jamais.

— C’est vrai, dit doucement Bettalou, nous sommes des parias, et cette pensée peut causer parfois des accès de chagrin. La douleur t’a rendu injuste. On a des jours mauvais comme la mer, qui se fâche