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et la division du corps électoral en assemblées locales, souvent très inégales en force numérique, sont autant de preuves évidentes qu’on exige de l’électeur autre chose que d’être et de vivre, et qu’on ne poursuit pas l’unité rigoureuse de l’assemblée élective, réduite à n’être que l’expression exacte de la majorité du pays. Toutes les diversités qui tiennent à des circonstances fortuites, qui dépendent des hasards de la répartition des villes et des populations, sont autant de violations du principe rigoureux du suffrage universel.

La discussion des diverses théories de la représentation conduirait, selon moi, à une idée simple, mais un peu vague, comme le sont souvent les idées de sens commun. Une assemblée représentative l’est en ce sens qu’elle représente la société. Elle la représente, cette société, dans les élémens qui la composent, et elle doit autant que possible les représenter chacun dans une juste proportion, — non pas en proportion avec le nombre des personnes ou avec le montant des valeurs qui peuvent composer chacun des intérêts généraux de la société. Ce n’est pas une représentation statistique que l’on cherche : il s’agit d’une proportion beaucoup plus difficile à découvrir : il faudrait, s’il était possible, constituer une assemblée telle que chaque intérêt, chaque opinion, chaque situation sociale y prévalût dans la mesure où le veut le bien de la société. Tel serait le but, le but idéal. Y a-t-il un moyen de l’atteindre ? Aucun de certain, aucun d’exact ; rien jusqu’ici que des probabilités et des approximations. On n’a point trouvé, on ne trouvera sans doute jamais de procédé pour extraire avec une précision infaillible, d’une société donnée, la représentation de tous ses élémens, convenablement mesurée pour chacun, c’est-à-dire suivant le degré d’influence que la parfaite sagesse politique leur attribuerait dans l’œuvre commune, si elle était jamais appelée à faire les parts. Aussi les systèmes électoraux les plus dissemblables peuvent-ils amener des résultats analogues entre eux, comme des résultats opposés aux intentions qui ont déterminé le choix entre ces divers systèmes. Tout dépend soit des circonstances où l’élection s’opère, soit de la nature même du peuple qui élit. Encore une fois, le sens commun joue ici un beaucoup plus grand rôle que l’arithmétique ou la logique, et il n’y a point de formule pour le sens commun.

Il y en a si peu qu’il ne faudrait pas s’y fier au point de conclure de tout ceci qu’on peut admettre indistinctement tous les systèmes et recevoir du hasard une représentation produite par le premier moyen venu. La composition d’une assemblée élective doit satisfaire à plus d’une condition. Il ne suffit même pas qu’elle soit la fidèle image de la nation ; il faut que la nation le croie ainsi, qu’elle s’attache à elle, qu’elle pense revivre en elle. C’est sous ce rapport que