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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/296

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relever tout à l’heure. Au milieu de vérités frappantes, sa sévérité, qui est excessive, l’entraîne à de manifestes erreurs. Ses jugemens sur quelques situations de ces dernières années, ses jugemens sur les personnes trahissent une connaissance de seconde main tant des choses que des hommes. Ce n’est pas lui qui parle, mais ceux qu’il a trop écoutés. C’est comme pour la nation entière : il la montre quelquefois comme si elle était uniquement ce qu’elle est partiellement. Il suit avec trop de confiance des écrivains d’un esprit mal sûr. M. de Lamartine et M. Michelet font des portraits en grands coloristes, mais ne les font pas ressemblans. Il faut se défier de ces livres où le talent brille en l’absence de la vérité. Enfin, nous le demandons à M. Greg, quelle conclusion à tirer de sa manière de considérer l’histoire de France depuis soixante ans, hormis celle-ci, le statu quo de l’ancien régime ? Or il en est ennemi déclaré. Que prétend-il donc ? Il tombe sur la révolution de 1848. Accordé, elle ne saurait m’avoir pour défenseur ; mais il fait du régime qui l’a précédée une telle peinture, que cette révolution devient toute naturelle et on quelque sorte nécessaire et légitime. Si quelques erreurs réparables, quelques abus réformables condamnaient tout un gouvernement à périr, il y aurait peu de momens depuis un siècle et demi où le gouvernement anglais aurait mérité de vivre et de durer. Si la monarchie de 1830 avait été ce que croit M. Greg, il en faudrait parler comme en parle l’auteur de l’Histoire de Dix Ans ou M. l’évêque de Poitiers ; mais les déclamations sont indignes de M. Greg, et, je me hâte de le dire, il n’a garde, de s’y livrer. Pourquoi ne nous est-il pas possible de discuter à fond ce qu’il dit de la France, et de replacer notre pays sous le grand jour de la vérité ? Une seule réflexion nous sera permise.

L’Europe est devenue sévère pour nous. Les vicissitudes de nos soixante dernières années expliquent sans la justifier cette rigueur excessive. Peut-être la France l’a-t-elle encouragée en s’accusant trop elle-même. Je n’ai jamais aimé ces louanges hyperboliques qu’elle se décernait autrefois. Où est le temps qu’elle s’offrait pour guide à l’Europe, qu’elle était l’avant-courrière de la civilisation de l’avenir, la nation libératrice, le peuple initiateur ? Qui ne se rappelle toutes ces épithètes adulatrices, accréditées par une certaine philosophie de l’histoire ? C’étaient là plus que des exagérations. La France, est tout simplement une des vieilles grandes nations du monde, qui peut-être, parce qu’elle a été plus mal gouvernée qu’une autre, peut-être parce que l’esprit de société s’y est plus librement développé qu’ailleurs sous l’influence de sa littérature, a éprouvé la première sur le continent européen le besoin de sortir de son ancien régime et de demander ses lois à l’esprit des temps modernes. Les