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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/336

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français particulièrement, alors composé en grande partie, comme Napoléon le faisait remarquer, d’hommes qui avaient été à son service et qui savaient parfaitement ce qui pouvait lui convenir, de M. Pasquier, par exemple, avec qui il avait jadis l’habitude de converser chaque jour pendant des heures entières et de discuter le caractère des gens, de M. Monnier, qui était aussi dans sa grande familiarité, de MM. de Ségur, Siméon, Daru, de M. de Latour-Maubourg, son ancien aide de camp, son compagnon d’armes en Égypte, de M. Decazes lui-même, qui l’avait connu intimement, et qui savait des secrets dont il n’avait parlé à aucune autre personne.

Les détails que je viens de rapporter sont le résumé d’une longue conversation que sir Hudson Lowe eut le 27 janvier 1821 avec M. de Montholon, comme aussi d’une note[1] que ce dernier lui remit trois jours après par ordre de l’empereur, qui d’ailleurs y renouvelait à tout hasard la demande d’être ramené en Europe sous un climat plus favorable au rétablissement de sa santé. Avant qu’on eût eu le temps de recevoir à Sainte-Hélène la réponse du cabinet de Londres, Napoléon avait cessé de vivre.

Jusqu’au dernier moment de son existence, alors même que la décroissance de ses forces ne lui permettait plus d’illusions sur son avenir personnel, il ne cessa de s’intéresser vivement à ce qui se passait en France et en Europe. L’insuffisance des documens et des informations qu’on laissait arriver jusqu’à lui fut à plusieurs reprises, dans les premiers temps, un de ses griefs les plus sensibles. Lord Bathurst et sir Hudson Lowe auraient voulu lui cacher les publications faites en Angleterre dans un esprit d’opposition trop violent ; ils craignaient que ces écrits n’exaltassent ses espérances et ne lui fissent concevoir de dangereux projets. Ce qui est étrange, O’Meara fut sévèrement réprimandé pour lui avoir donné connaissance de l’ordonnance du 5 septembre 1816 sans y avoir été autorisé. On parut renoncer plus tard à ces puériles précautions.

La correspondance de sir Hudson Lowe contient naturellement, sur la manière dont Napoléon jugeait les événemens contemporains, des informations moins nombreuses que celles qu’on peut trouver dans les mémoires des compagnons de sa captivité. Pour être moins abondantes, ces informations n’en sont pas moins dignes d’être recueillies, et je n’hésite même pas à dire qu’à beaucoup d’égards elles me paraissent devoir inspirer plus de confiance. Ceci exige quelques explications.

Il fut un temps, — peu éloigné de l’époque actuelle par le nombre

  1. Les Récits de M. de Montholon contiennent la note, mais ne donnent pas la conversation, beaucoup plus curieuse.