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système de courbes d’un plus grand rayon[1]. Le chemin, à partir de Givors et surtout de Rive-de-Gier, traverse un pays montueux et coupé de ravins plus ou moins profonds. Il a nécessité la construction de quinze souterrains, de profondes tranchées, et des remblais considérables. Le remblai de Saint-Romain représente à lui seul plus de 60,000 mètres cubes. Les souterrains de la vallée du Gier, qui passent sous la ville de Rive-de-Gier, ont près d’un kilomètre de longueur ; le souterrain de Terre-Noire, plus de 1,500 mètres[2]. Dans tous ces travaux, il n’y a certes pas ce qu’on peut appeler du luxe. Les concessionnaires font juste ce qu’il faut pour rendre l’exploitation possible, rien de plus. À une époque où les capitaux se livraient fort difficilement à de pareilles entreprises, on aurait couru gros risque de ne pas trouver les fonds nécessaires pour des œuvres somptueuses.

Un troisième chemin fut concédé en 1828, sous le ministère de M. de Martignac, pour le service du même bassin houiller, à deux industriels, MM. Mellet et Henri. Ce chemin s’embranchait au lieu dit la Quérillière, un peu au-dessus d’Andrezieux, sur le railway de Saint-Étienne à cette dernière ville, et de là il allait aboutir à Roanne. Sa longueur est de 67 kilomètres. L’avantage qu’on y avait vu, c’est qu’il abrégerait la navigation d’une centaine de kilomètres dans une partie du cours de la Loire où cette rivière, parsemée de roches, est à peine navigable, et à la descente seulement, pour des radeaux grossièrement construits et incomplètement chargés. Pendant la moitié à peu près du trajet, dans la partie rapprochée d’Andrezieux, l’exécution du chemin de fer ne présentait pas de difficultés sérieuses. Les rails se développent à travers la vaste plaine du Forez en longues lignes droites raccordées par des courbes à très grand rayon ; mais après avoir dépassé Feurs, à partir de Balbigny, il fallait, pour gagner Roanne, escalader des montagnes abruptes. Ici le rayon des courbes n’a quelquefois pas plus de 200 mètres. Le chemin se compose d’une suite de plans inclinés réunis par des paliers et reliés les uns aux autres par des remblais. Le système des plans inclinés, dont les fondateurs du chemin de Saint-Étienne à Lyon ne s’étaient affranchis qu’en s’exposant à mille critiques, était alors universellement prôné en France comme en Angleterre. En l’adoptant, MM. Mellet et Henri payaient donc tribut à l’opinion régnante en faveur d’une méthode incompatible avec une grande vitesse, mais dont les inconvéniens n’ont été reconnus que plus tard. L’exécution de leur chemin était extrêmement imparfaite.

Sur les trois lignes ferrées de la Loire, la traction se fit longtemps par le concours simultané de machines à poste fixe, de locomotives, de chevaux et de bœufs. On employait tel ou tel mode suivant la disposition du terrain : les locomotives sur les plans horizontaux ou sur les pentes adoucies, par exemple dans les plaines du Forez et de Lyon à Givors ; les machines fixes sur les plans inclinés du chemin de Roanne ; les chevaux ou les bœufs sur

  1. Le nivellement du chemin avait été fait avec beaucoup de soin par M. Biot, de l’Académie des sciences, que les fondateurs s’étaient adjoint.
  2. De l’Influence des Chemins de fer et de l’Art de les tracer et de les construire, par M. Séguin aîné. Ce livre renferme de curieux détails sur les travaux d’art du chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon et d’utiles données sur les chemins de fer en général.