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elle n’avait entraîné qu’une dépense d’environ 90,000 francs par kilomètre, ou, en total, d’à peu près 6 millions[1].

Le railway de Saint-Étienne à Andrezieux, qui a toujours été honnêtement exploité, a donné à ses actionnaires un intérêt raisonnable, un intérêt moyen de 5 à 6 pour 100 par année ; il a donc pu se soutenir par ses propres forces. Celui de Roanne, témérairement entrepris sans tenir assez de compte de la concurrence que lui feraient les deux chemins créés déjà dans le Forez, n’a jamais rien produit pour les capitalistes qui en avaient supporté les frais. Une première société, après de cruelles années de détresse, fut réduite à liquider ses affaires ; la ligne fut vendue 3,990,000 francs. Une seconde société, constituée en 1841, reçut de l’état un prêt de 4 millions, et cependant elle eut de la peine à tenir ses comptes en équilibre. La compagnie de Saint-Étienne à Lyon, au contraire, est arrivée à la plus brillante fortune. La propriété avait été divisée en deux mille deux cents actions, dites actions de capital, ayant opéré, chacune un versement de 5,000 francs, et en quatre cents actions d’industrie au profit des fondateurs et gérans, n’ayant rien versé, mais ne devant venir au partage des bénéfices qu’après que l’exploitation vaudrait par année 4 pour 100 au capital. Ces dernières actions devaient alors prendre pour elles seules la moitié des bénéfices nets. Plus tard, il fut convenu que les actions de capital produiraient d’abord 7 pour 100 ; 3 pour 100 appartiendraient ensuite aux actions d’industrie, et au-dessus de 10 pour 100 de bénéfices, on reviendrait au partage par moitié. Comme la société avait dû faire divers emprunts dont il fallait servir les intérêts, les actions d’industrie attendirent leur tour pendant plus de quatorze ans ; mais quand il arriva, elles se trouvèrent dotées d’un revenu splendide. Malgré de longues discussions et des tiraillemens multipliés entre les titres de l’une et de l’autre origine, les actions d’industrie ont gardé leur opulente situation jusqu’au moment où la ligne de Saint-Étienne à Lyon, de même que les deux autres chemins de fer de la Loire, a été cédée à la compagnie dite du Grand-Central (1er avril 1853)[2]. En prenant une moyenne depuis 1843 jusqu’au 1er avril 1853, on trouve que chaque action d’industrie a reçu par an une somme de 934 fr. 50 cent., et chaque action de capital 380 fr. 85 cent, seulement ; mais la situation des premières avait été établie dans des conditions bien plus aléatoires que celle des secondes.

Durant la phase originelle des chemins de fer, les créations forésiennes restent sans rivales en France. C’est à peine si on compte deux ou trois autres essais, essais infiniment plus modestes. Un chemin de 28 kilomètres, conduisant des houillères d’Epinac, dans le département de Saone-et-Loire, au canal de Bourgogne, fut concédé au mois d’avril 1830 ; il n’a jamais servi qu’au transport des marchandises. En 1833, on autorisa la construction d’une sorte d’embranchement sur le chemin de Roanne, partant du village

  1. Sur un parcours plus long que celui du chemin de Lyon, les acquisitions de terrains n’avaient pas tout à fait absorbé un million de francs.
  2. À la veille de cette cession, les trois chemins s’étaient déjà fusionnés en une seule compagnie, sous le nom de Chemin de jonction de Rhône et Loire.