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entretien, destiné à confirmer ce que contenaient les entretiens précédens ; mais on y trouve la prudente recommandation de ne point s’entêter à soutenir devant les indifférens ou les esprits hostiles la pluralité des mondes, en acceptant volontiers le reproche de paradoxe, et sacrifiant expressément l’amour de la vérité à l’amour de la paix. Sur le reproche que lui fait en propres termes son interlocuteur ou plutôt son interlocutrice, que ne pas soutenir ses opinions c’est trahir la vérité et n’avoir pas de conscience, il avoue qu’il n’a pas un grand zèle pour ces vérités-là, et qu’il les sacrifie volontiers aux moindres contenances de la société.

On en était là sur la pluralité des mondes, lorsqu’en 1853 un révérend anglais, M. Whewell, homme d’une grande autorité scientifique et dont le nom n’a pas été mis en tête de son ouvrage, avoué cependant hautement par l’auteur, livra au public un Essai sur la Pluralité des Mondes [of the Plurality of Worlds, an essay). Cet essai aurait dû avoir justement le titre contraire, savoir : « de la non-pluralité des mondes. » Notre terre y est représentée comme le seul lieu de notre monde solaire, et même de l’univers entier, qui possède des êtres vivans doués de raison. Les planètes plus rapprochées que nous du soleil ne peuvent avoir d’habitans raisonnables, elles sont trop près du soleil. Celles qui sont au-dessus de la terre subissent la même exclusion, à raison d’une trop grande distance. Enfin tous les soleils, par analogie avec le nôtre, étant généralement considérés comme ayant autour d’eux des planètes avec ou sans lunes, ces planètes-là sont également dépeuplées d’êtres pensans par le savant théologien anglais. M. Whewell, dont le nom n’est un mystère pour personne, possède une érudition scientifique des plus étendues ; aussi appelle-t-il avec la théologie, au secours de son opinion, les observations du naturaliste armé du microscope, du géologue qui embrasse toutes les périodes des catastrophes terrestres, de l’astronome aidé du télescope, enfin tout ce que la métaphysique peut faire présumer à priori sur l’unité de l’univers, d’après cette pensée, plus ou moins expressément énoncée par beaucoup de bons esprits, — qu’il ne peut y avoir contradiction entre deux vérités acquises même par des voies très-différentes, et qu’ainsi une vérité métaphysique peut contrôler une assertion conclue de l’observation du monde matériel. Néanmoins, comme cette série d’idées nous jetterait dans la question si controversée des causes finales, nous ne la poursuivrons pas plus loin, même dans son expression la plus simple, savoir : qu’il n’y a rien d’absurde dans l’univers, et que, par suite, rien de ce qui contrarierait formellement les notions métaphysiques que nous avons de la nature des êtres ne peut exister.

De profonds penseurs, partant de cette idée, que ce qui paraît à