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renaissantes, des guerres civiles, des conflits extérieurs perpétuels, c’est là ce qu’on nomme la vie publique de ces contrées. Aujourd’hui le dictateur qui s’est institué lui-même à Bogota il y a près d’un an, le général Melo, vient d’être défait dans un combat ; mais sa défaite n’a point été assez complète pour mettre fin à la guerre civile dans la Nouvelle-Grenade. Au Pérou, il s’agit encore de savoir qui l’emportera, du gouvernement ou de l’insurrection commandée par le général Castilla. À Montevideo, la présence de l’armée brésilienne apparaît comme un fait qu’on ne peut empocher, et qui opprime le sentiment national en menaçant l’indépendance de la République Orientale. À Buenos-Ayres, une scission, recouverte d’abord d’une apparence pacifique, acceptée de guerre lasse par le général Urquiza et par la province principale de la Confédération Argentine, vient de dégénérer une fois de plus en collisions violentes, qui ne seront point à coup sûr les dernières. L’année qui finit peut donc compter parmi les années les plus tristement et les plus stérilement agitées dans l’histoire de l’Amérique du Sud. Ce n’est pas tout encore cependant : à ces confusions il vient de se joindre dans ces derniers mois un épisode qui n’est pas le moins curieux de la politique sud-américaine, et cette fois c’est le Paraguay qui entre en scène, non par une révolution, mais par une difficulté extérieure qui n’est point certes sans gravité, en même temps qu’elle révèle l’état réel de cette partie centrale de l’Amérique du Sud.

Une question extérieure à l’Assomption ! C’est la première fois qu’un tel événement prend place dans l’histoire. Le Paraguay, on le sait, a pratiqué pendant quarante ans ce qu’on pourrait appeler la politique hermétique. Il a vécu en lui-même, strictement et opiniâtrement fermé à toute immixtion étrangère. Ce n’est pas que le docteur Francia obéit en cela à une pensée très différente de celle qui eût aisément dominé dans le reste de l’Amérique du Sud ; il ne faisait que résumer d’une façon plus caractéristique et plus extrême les répulsions de ces races naturellement hostiles aux influences étrangères, et par la position de son pays il pouvait à la rigueur résoudre Le problème étrange de se séquestrer totalement du monde, ce que ne pouvaient faire les autres républiques hispano-américaines. Depuis quelques années cependant le Paraguay lui-même a suivi le mouvement commun : il a noué des relations avec les pays voisins, avec les plus grands gouvernemens de l’ancien et du Nouveau-Monde ; il a signé des traités avec la France, l’Angleterre, les États-Unis, la Sardaigne ; il a concédé certains droits aux étrangers ; il a ouvert ses fleuves à la navigation, et des navires sont arrivés à l’Assomption, portant des ministres de l’Europe. Le Paraguay a joui pendant quelque temps du succès que lui valait cette politique libérale. Il a eu son ambassadeur dans les vieilles cours européennes. C’était merveille en théorie. Puis est venue l’application, et alors les difficultés ont éclaté ; alors on a vu aussi que le docteur Francia n’avait pas emporté son esprit tout entier avec lui.

Les États-Unis ont été les premiers, selon l’habitude, à vouloir tirer parti des tendances nouvelles du Paraguay. Un homme entreprenant, revêtu d’un titre consulaire au nom de l’Union, M. Hopkins, s’est établi à l’Assomption. Il a d’abord joui de quoique faveur auprès du gouvernement paraguayen ; mais bientôt une circonstance est venue provoquer l’audace yankee et faire