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renaître tout à coup à l’Assomption les instincts répulsifs du docteur Francia, qu’avait cherché à étouffer le président Lopez. C’est là ce qu’on a nommé au-delà des mers la question Hopkins. Comment est née cette question ? À l’occasion d’un incident où le sérieux se mêle au puéril. Le frère du consul américain chevauchait, à ce qu’il parait, aux environs de l’Assomption avec une de ses parentes, femme de l’agent français, M. Guillemot, il est allé donner contre un troupeau de bœufs appartenant au gouvernement et conduit par une escouade de soldats. M. Clément Hopkins a-t-il méconnu l’avis qui lui était donné de s’arrêter ? a-t-il enfreint des règlemens de police ? Le chef de l’escouade a-t-il été gratuitement violent ? Le fait est que M. Hopkins a été traité avec peu de ménagemens, et qu’il en a même été pour quelques coups de sabre, qui ne l’ont point heureusement blessé. Là-dessus s’est engagée une correspondance singulière, très vive de la part du consul américain, M. Edouard Hopkins, très subtile de la part du gouvernement paraguayen. M. Hopkins a demandé une satisfaction pour l’insulte commise à l’égard de son frère, en réclamant la punition du coupable et l’insertion au journal officiel, — le seul qui se publie, — de cette satisfaction. Par la même occasion, il a exhumé une foule d’autres griefs, dont quelques-uns lui étaient personnels en sa qualité de chef de la compagnie de navigation. Le gouvernement paraguayen a accordé une certaine satisfaction, non sans maugréer, sur le fait des violences commises envers le frère du consul, ajoutant pour le reste qu’il ne connaissait pas la compagnie de navigation des États-Unis et du Paraguay, que le Paraguay n’avait autorisé personne à prendre son nom. Le plus clair de cette première partie de l’affaire, c’est que le soldat qui a fait la rencontre de M. Clément Hopkins a été condamné à recevoir un bon nombre de coups de bâton. Les choses en étaient là lorsque, peu après le gouvernement paraguayen rendait un décret par lequel il interdisait aux étrangers l’achat de terres et l’usage de tout titre commercial. Or le consul américain se trouvait justement en ce moment sur le point d’acheter des terrains pour l’établissement de la compagnie de navigation. Le conflit, on le voit, ne faisait que s’envenimer, et il devait s’aggraver encore, puisque dans les premiers jours de septembre, le président Lopez retirait l’exequatur à M. Hopkins sous prétexte d’injures de ce dernier. Tout cela ne se passait point sans de nouvelles correspondances diplomatiques ; mais Le gouvernement paraguayen finissait par ne plus recevoir les notes de M. Hopkins, en se fondant sur ce qu’elles étaient écrites en anglais et qu’il n’entendait pas l’anglais. Une dépêche du commandant du vapeur de guerre américain le Waterwich, qui était en vue de l’Assomption, avait le même sort, après quoi il ne restait plus à M. Hopkins et au commandant du Watertwich qu’à quitter le Paraguay, ce qu’ils ont fait. Malheureusement cet incident n’a fait que réveiller, comme nous le disions, les instincts répulsifs de la vieille politique de Francia, Le président Lopez a rendu un nouveau décret pour interdire aux navires de guerre étrangers l’entrée des rivières de la république et pour prohiber même la navigation dans le Bas-Paraguay, jusqu’à ce que toutes les questions de limites soient vidées entre les états riverains ; mais le gouvernement paraguayen se trouve nécessairement en présence des états européens avec lesquels il a signé des traités de commerce