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Que Dieu te donne la victoire ! dit le père résigné au chef des troupes de Mahmoud. Celui-ci essaya en vain d’obtenir d’Osman quelques indications sur l’état du pays et des populations rebelles ; il ne put tirer du vieux pacha que des larmes et des sanglots. Quelques jours plus tard, Osman eût sans doute marché avec son fils contre Mahmoud : il était temps qu’on l’envoyât en Roumélie.

Cependant le jeune bey, débarrassé de la contrainte que l’autorité paternelle faisait peser sur lui, s’engagea résolument dans une guerre contre Mahmoud, guerre qui fut longue et terrible. Ses recrues se battaient bien, car elles se battaient sur leur propre champ et sur le seuil de leurs maisons. Il leur semblait d’ailleurs, à ces montagnards de l’Asie-Mineure, qu’ils défendaient la cause de l’indépendance nationale contre une armée étrangère. N’étaient-ce pas des étrangers que ces Turcs de Constantinople avec leurs uniformes et leurs armes européennes ? La cavalerie légère de Moussa était forte, disait-on, de vingt ou trente mille hommes. C’était avec elle surtout que le jeune bey accomplissait des prodiges. Chaque année, de nouveaux corps d’armée étaient lancés de Constantinople sur les troupes du fils d’Osman ; chaque année, ils revenaient après avoir vainement lutté contre les rudes soldats du chef rebelle.

Héritier des richesses et de l’influence de son père, Moussa-Bey l’était aussi de sa prédilection pour Verandcheir. Il s’y trouvait plus à l’aise que dans de grandes villes telles qu’Angora, dont une population mêlée rend la défense plus difficile. Établi dans sa résidence favorite, entouré de ses braves et fidèles cavaliers. Moussa-Bey se croyait invincible. Il l’eût été peut-être sans un élément nouveau que le sultan fit intervenir dans la querelle, et contre lequel rien n’était préparé. Nous voulons parler de l’artillerie, qui n’était guère connue en Asie-Mineure que par ouï-dire. Plusieurs pièces de campagne et de siège partirent de Constantinople, sous le commandement de quelques Européens renégats, et vinrent assiéger la ville de Verandcheir, dont les fortifications n’avaient pas été construites pour résister à ce genre d’attaque. Ce qui prouve l’ignorance du bey en ces matières, c’est la faute qu’il fit en se laissant enfermer par un corps d’artillerie dans une ville incapable de se défendre. La ville fut bombardée, ses murailles s’écroulèrent, et la victoire se déclara, non pas pour le plus intrépide, mais pour le plus savant. Peut-être restait-il au bey une dernière chance de salut dans une vigoureuse sortie à la tête de ses cavaliers ; mais la guerre durait depuis dix ans, la fatigue avait gagné les cœurs les plus braves, et ces ennemis nouveaux, qui procédaient d’une façon si inattendue, en opérant de si affreux ravages, inspiraient une sorte de terreur panique plus fatale que les plus pressans dangers. D’ailleurs les successeurs