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tue. Son heure était arrivée ; la motion de M. Roebuck n’eût-elle point été adoptée, lord Aberdeen paraissait décidé à se retirer. Ce qui est certain, c’est que le ministère qui viendra, et dont lord Palmerston sera probablement le chef, n’arrivera au pouvoir que pour conduire la lutte avec plus d’unité et pour porter une attention nouvelle sur toutes les parties de l’organisation militaire de l’Angleterre.

Ces crises politiques elles-mêmes, contre-coup intérieur de la situation générale, dénotent l’intérêt que le peuple anglais attache à la guerre. S’il n’y a point en France le même mouvement, il y a les mêmes préoccupations, qui se révèlent à d’autres signes, par le résultat de l’emprunt entre autres, quelque confiance qu’on put avoir dans le succès de l’emprunt, il eût été assurément difficile de prévoir quelles proportions allait prendre cette grande souscription ouverte dans le pays. Au mois de mars dernier, lors de la réalisation du premier emprunt, le chiffre de la souscription ne s’était point élevé au double de la somme demandée ; aujourd’hui il représente plus de quatre fois cette somme. L’emprunt est de 500 millions, et le chiffre des souscriptions s’élève, à peu de chose près, à 2 milliards 200 millions. D’après le décret réglementaire de l’emprunt, les souscriptions de 500 fr. et au-dessous ne devaient être réduites que dans le cas où elles dépasseraient elles-mêmes le chiffre total demandé, et elles se sont élevées à 836 millions. La part des souscriptions étrangères est de 300 millions. Que l’emprunt par ses conditions offrit un placement avantageux, cela est évident ; mais il tire certainement aussi des circonstances une signification particulière. Le résultat prouve surtout ce que la France peut mettre de ressources à la disposition des grandes et justes entreprises. Si les moyens financiers sont une des conditions essentielles de la guerre, l’état de l’armée en reste sans nul doute le premier élément, et ce n’est pas dans un tel moment qu’il est inutile de s’occuper de son organisation et de son bien-être. Le gouvernement vient de proposer au corps législatif une loi qui tend à régulariser le système des assurances militaires, en faisant sortir de la combinaison nouvelle les moyens de former une dotation de l’armée. Désormais, d’après la loi, ceux qui voudront s’exonérer du service militaire devront payer, à l’état des prestations dont le taux sera fixé chaque année, et l’ensemble de ces prestations formera la dotation de l’armée, qui pourra s’accroître également par des dons et des legs. Cette dotation de l’armée, sera consacrée à favoriser les réengagemens par un système de primes, et à augmenter la pension de retraite des sous-officiers et des soldats. Comme on le voit, dans toutes les questions reparaît la préoccupation militaire.

Et tandis que se déroulent tous ces incidens extérieurs et intérieurs où la guerre est toujours au premier rang, il n’existe pas moins des faits généraux qui suivent leur cours, qui sont un des signes les plus curieux du travail de la civilisation contemporaine, et qui sont dignes de toute l’attention des gouvernemens. On a pu l’observer récemment par un remarquable rapport de M. Heurtier, président d’une commission chargée d’étudier les différentes questions qui se rattachent à l’émigration européenne. Certes ce mouvement de diverses populations de l’Europe qui s’en vont dans le Nouveau-Monde pour y chercher une existence moins précaire ou des chances de fortune, ce