Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/658

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lombardie avec sagesse. Liée à l’Autriche par la naissance, femme d’un prince qui se battait pour l’indépendance italienne, elle avait su en 1848, rester dans une position qui lui attirait toutes les sympathies et tous les respects. La mort de ces deux reines a été un deuil public dans le Piémont, parmi ces populations accoutumées à s’associer à tous les succès comme à toutes les douleurs de la maison de Savoie. Quand de telles manifestations se produisent dans un pays, elles sont à coup sûr plus qu’un fait ordinaire ; elles sont l’expression d’un sentiment monarchique vivace et puissant, elles révèlent dans ce qu’elle a de plus touchant l’intime alliance d’un peuple et de sa maison royale.

Si on observe dans leur ensemble les grandes affaires du monde, les relations générales qui se forment ou se développent, on n’aura point de peine à voir quelle place est réservée à ces questions d’équilibre et d’influences par lesquelles les peuples et les gouvernemens cherchent à maintenir à tout prix une certaine réciprocité de droits, une certaine égalité de forces. Depuis longtemps, à vrai dire, c’est le but de toutes les guerres et le dernier mot de toutes les pacifications. Il s’agit toujours d’empêcher ces accumulations de puissance qui deviennent bientôt une menace pour tous les rapports et toutes les indépendances. Sous une forme ou sous l’autre, dans les conditions les plus diverses, ces questions sont un des premiers élémens de la politique contemporaine. Elles ne sont pas d’ailleurs exclusivement propres au vieux continent. Lorsque par-delà l’Atlantique quelque tentative nouvelle des États-Unis vient rappeler l’attention de l’Europe sur cet agrandissement permanent et démesuré d’une race, qu’est-ce autre chose au fond qu’une grande question d’équilibre qui s’agite ? Le Brésil n’est point sans doute au sud de l’Amérique ce que les États-Unis sont au nord. Sa politique cependant ne laisse point, toute proportion gardée, de tendre au même but. Il ne décline nullement l’ambition d’une certaine suprématie dans cette portion méridionale du Nouveau-Monde. Cela s’explique : le jeune empire américain a l’avantage d’un gouvernement qui par sa forme n’est point sujet à toutes les instabilités. Ses intérêts se développent rapidement, son commerce grandit, ses finances sont dans une prospérité réelle. Par sa position, il touche à tous les autres pays de l’Amérique du Sud, et il domine les principales artères par où la vie pénétrera dans ce grand continent. Il représente une force relativement compacte ; dirigée avec suite, avec intelligence, au milieu d’états sans direction et en dissolution. Il n’y a pas loin de là à la tentation d’exercer une sorte de haut protectorat par des interventions habiles, par la promulgation d’un droit américain entièrement adapté aux vues et aux intérêts du Brésil. Cette politique extérieure brésilienne est une chose digne de remarque ; elle a été pratiquée pendant cinq ans par un des hommes d’étal les plus distingués de l’empire, par M. Paulino Soarès de Souza, qui a été ministre, des affaires étrangères de 1848 à la fin de 1853, et qui l’a léguée à son successeur, M. Limpo de Abreu, le ministre actuel dans le cabinet présidé par M. Carneiro Leâo, vicomte de Parana. Seulement la politique du cabinet de Rio-Janeiro soulève ici des difficultés de plus d’une espèce. En profitant de l’anarchie de certains états américains pour s’immiscer dans leurs affaires, le Brésil risque d’exciter les susceptibilités natio-