COMMENCEMENS DE ROME.
Si vous voulez avoir une vue claire et un sentiment vrai de l’état primitif et de la formation de Rome, venez vous placer avec moi aux lieux mêmes où Rome s’est formée, observons la configuration du pays qui est devant nous : ne fermons pas nos livres, mais ouvrons nos yeux.
Le pays qui s’étend des deux côtés du Tibre, entre les Apennins et la mer, n’est point une plaine unie ou ondulée comme la pairie américaine ; c’est une plaine abrupte. De vastes plateaux sont interrompus çà et là par des dépressions subites ou des escarpemens inattendus, et tandis que la campagne paraît au premier coup d’œil sans arbres et sans eaux, des eaux profondes, encaissées dans des lits étroits, courent ou se traînent sous des masses de verdure. On trouve même au milieu de ce qui semblait d’abord une plaine immense et nue des vallons plantés de grands arbres, souvent un petit bois de chênes verts ou de chênes-liège apparaît sur un monticule aux flancs jaunes et ravinés ; mais en général ce qui frappe dans la campagne romaine, ce sont de vastes espaces bornés par de splendides horizons. Il est inutile d’ajouter, pour ceux qui ont vu cette contrée extraordinaire, que nulle part la nature ne se montre avec une telle sublimité. Changeant d’aspect avec les saisons sans jamais changer de caractère, la campagne est tantôt verdoyante comme une savane, tantôt dorée par de vastes moissons, ou, vers l’automne, revêtue d’une teinte fauve qui lui donne la couleur du désert, dont elle a la grandeur sans en avoir l’uniformité, car partout d’âpres collines semblent sortir de cette grande mer un peu houleuse comme des îles ou des écueils.
À l’époque où commencent les plus anciennes traditions romaines, sur un grand nombre de ces collines qui se dressent dans la campagne était un lieu fortifié où l’on pouvait se retrancher et se défendre, où en cas de guerre on enfermait les troupeaux, et d’où en temps de paix on descendait cultiver les champs, comme le