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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/679

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naturelle; on en aperçoit la trace dans la fondation même de Rome. Le Palatin, dont la masse s’élève si nettement quadrangulaire entre le Forum et l’Aventin, entre le Cœlius et le Capitole, le Palatin m’avertit par cette forme quadrangulaire que l’influence étrusque précéda dans Rome l’apparition des rois de cette race. Je reconnais la Rome quarrée ou équarrie, Roma quadrata, telle que la charrue de Romulus en traça le contour, et ce contour, nous le savons, fut tracé selon le rit étrusque.

Romulus, qui ressemblait beaucoup à un chef de bande et même à un chef de bandits, pourrait bien avoir été dévot comme ses pareils le sont encore. La terre étrusque était la patrie des prêtres et des devins, des cérémonies mystérieuses. Qu’y a-t-il de plus naturel que Romulus ait fait venir de là quelques hommes connaissant les formules sacrées par lesquelles on inaugurait les villes naissantes, comme un paysan romain fait venir un moine pour bénir la maison qu’il a bâtie ? On creusa d’abord un grand trou au lieu où devaient être les comices, et où ne se rassemblent plus aujourd’hui que les charretiers qui amènent là leurs bœufs pour boire dans une auge de pierre occupant à peu près la place de la fontaine de Juturne, près de laquelle Castor et Pollux furent vus après la bataille de Régille, où ils avaient combattu pour Rome, essuyer leur sueur et celle de leurs coursiers divins. Chacun des assistans jeta dans le trou une poignée de terre apportée de son pays, car il y avait là des réfugiés des diverses contrées d’alentour; on mêla le tout, et, selon l’usage étrusque, on nomma cet endroit mundus. Cette expression désignait la région souterraine des mânes, et aussi la région supérieure habitée par les dieux. Quoi qu’il en soit, le mot fut prophétique. Sans le savoir les augures avaient deviné juste, car des hommes de toutes les régions de la terre devaient venir là, les intérêts de tous les peuples devaient s’y débattre, et Rome devait être le monde. Puis, partant d’un endroit consacré à Hercule par la religion arcadienne, endroit qu’on peut déterminer, car là s’éleva toujours le grand autel (ara maxima) du dieu Pélasge, Romulus, dessinant un carré, selon le rituel de l’Etrurie, conduisit la charrue sacrée tout autour du Palatin; il creusa un fossé le long du sillon qu’elle avait tracé, la soulevant trois fois pour chacune des trois portes dont l’emplacement peut être reconnu : c’était ainsi qu’on délimitait le lieu d’une ville étrusque, et il me paraît évident, quand du Palatin je vais au camp des Prétoriens, dont l’enceinte subsiste encore en grande partie, que là est l’origine de la forme constamment donnée au camp romain. Ce camp, que les Romains établissaient avec soin lorsqu’ils s’arrêtaient quelque part, était aussi une enceinte carrée entourée par un vallum,