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tour se décomposent en organes qui servent à un usage, par exemple le cœur à lancer le sang dans les vaisseaux, le poumon à opérer l’introduction de l’oxygène dans le sang, le foie à fournir la bile (un des agens de la chylification) et le sucre versé dans le sang, le pancréas a donner le liquide qui digère les corps gras, etc. Mais l’on comprend bien que les premiers anatomistes n’ont pas connu les appareils, et que du corps considéré en bloc ils sont allés directement aux organes : il a fallu un retour sur soi pour composer les organes en appareils. La notion d’appareils est une intercalation faite après coup dans la méthode d’étudier. Je note ceci pour qu’on se garde bien de confondre l’ordre dogmatique, qui est l’ordre d’enseignement des choses trouvées, avec l’ordre historique, qui est l’ordre de leur découverte successive.

Après les organes, la suite que j’ai mise sous les yeux du lecteur nous conduit aux tissus et humeurs, puis aux élémens anatomiques et aux principes immédiats. À vrai dire pourtant, ce n’est qu’une suite apparente ; dans le passage des uns aux autres, il y a changement complet de terrain. Aussi, dans les Tableaux d’Anatomie de M. Ch. Robin, excellens d’ailleurs et auxquels j’emprunte beaucoup, je regrette de ne pas trouver cette transition caractérisée, comme, à mon sens, elle devrait l’être. On dira peut-être que l’organe se partage réellement en tissus, et que le cœur, par exemple, se décompose en tissu musculaire, tissu séreux qui l’enveloppe à l’extérieur, tissu artériel ou veineux qui le tapisse à l’intérieur : mais au fond cela n’est qu’une apparence. Dans la conception réelle des tissus, ce n’est pas l’organe particulier qui, se décomposant, offre la notion cherchée ; c’est au contraire l’idée de tissu qui, conçue isolément de tout organe, vient y porter la lumière. On ne peut donc pas dire que de l’organe on passe au tissu, car de fait ce qui est le véritable passage, c’est que de l’idée particulière on passe à l’idée générale.


II. – COMMENT LES IDEES GENERALES S’INTRODUISENT DANS LA BIOLOGIE.

Ceci même m’amène à considérer ce que je m’étais proposé, c’est-à-dire comment, dans une science telle que la biologie, on était parvenu à former des abstractions suffisamment positives pour servir de base à une doctrine. Il faut bien se représenter les conditions du problème. D’abord cette science ne pouvait marcher que du composé au simple ; ce qu’elle étudia d’abord, c’est le corps organisé dans son ensemble ; puis, quand elle essaya de pénétrer dans cet ensemble, elle ne rencontra que des parties fort complexes. Ainsi la moindre portion qui s’offrait aux anciens anatomistes était, dans la réalité,