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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/786

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le colonel baron Sprengtporten. Un plan déposé par lui au commencement de l’année 1786 entre les mains du ministre russe à La Haye dévoilait déjà toute sa trahison. D’accord avec la Russie, cet officier a osé revenir en Suède, il a osé venir s’asseoir sur ces bancs pendant la dernière diète, afin de semer ici la division. Il est maintenant à la cour de l’impératrice Catherine, où son honneur va briller d’un éclat d’un nouveau genre. Il n’épargne en ce moment même aucune secrète menée pour détourner les fidèles Finlandais de cette affection qui leur a mis si souvent les armes à la main pour notre défense commune... Le jour était déjà fixé pour la révolte. On devait mettre le feu à tous nos magasins, afin de livrer la Finlande sans défense à Catherine. L’honneur du nom suédois, le soin de notre indépendance, le salut. « la Finlande, l’espoir de l’Europe entière exigeaient que le roi de Suède se montrât enfin. Je me préparais à envoyer promptement dans la Baltique une flotte capable d’imposer à l’impératrice. Je voulais montrer à la Finlande que l’appui de nos armes ne lui manquerait pas contre les menaces d’un voisin perfide; je voulais prouver qu’il était temps encore de ramener sous le sceptre suédois ces provinces de la Baltique que naguère encore il gouvernait, et qui seules nous garantissaient la possession de la Finlande... Mon désir de conserver la paix m’a trop longtemps arrêté.»

Gustave s’accusait en apparence, mais en réalité il se faisait ainsi l’accusateur de cette noblesse factieuse devant laquelle il avait dû venir expliquer la nécessité d’une guerre devenue inévitable. Ce n’est pas tout : après avoir vaincu les résistances intérieures, il s’était vu en présence d’une armée que la trahison paralysait. « Dès le commencement des hostilités, dit-il, une belle occasion s’offrit à nous. Pas de munitions dans Viborg, pas plus de trois mille Russes dans Frederikshamn, pas de garnison dans Nyslott, à peine cinq mille ennemis entre la frontière suédoise et Saint-Pétersbourg! J’affirme que si tout le monde avait fait son devoir, nous reprenions nos anciennes frontières de ce côté; mais il faut ici baisser un voile;... le cœur me bat trop fort quand je pense à la conduite de ces officiers suédois envers leur roi et leur patrie... Quelques-uns d’entre eux sont déjà emprisonnés, les autres ont échappé par la fuite à la juste vengeance de nos lois; mais ils ont laissé derrière eux les tristes résultats de leurs intrigues. Le ministre russe Rasumofski est resté dans Stockholm quatorze jours encore après mon départ pour la Finlande; ces quatorze jours n’ont pas été perdus pour ses secrètes menées, non plus que le voyage qu’il a fait à travers nos provinces en quittant la capitale. Nous sommes menacés au dehors par un redoutable voisin, au dedans nous sommes divisés; voilà dans quelles circonstances je