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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/785

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d’autres récompenses, le titre et les fonctions de gouverneur général de la Finlande aussitôt après la conquête de 1808.

Ce traître, il faut l’appeler de ce nom, n’était pas le seul, avons-nous dit, que les intrigues de la Russie eussent corrompu dans les rangs de la noblesse suédoise. Le ministre russe Markof achetait publiquement les consciences à Stockholm parmi les membres de la diète, et l’assemblée de 1786 en particulier manifesta contre le gouvernement de Gustave III une opposition trop audacieuse et trop sûre d’elle-même pour que le roi n’aperçût pas clairement, derrière les résistances de cette noblesse, les excitations et les sourdes menées de son éternelle ennemie. Non-seulement on détournait de ses devoirs envers la patrie et le roi toute une partie de la représentation nationale, mais on répandait encore dans la capitale et dans les provinces un mécontentement qui, pour être factice, n’en était pas moins redoutable. Avec des calomnies contre Gustave et la famille royale, on faisait circuler des bruits favorables au parti russe; on affirmait que, sans l’appui compatissant de la Russie, la Finlande aurait été ravagée pendant la saison précédente par une horrible famine, et la diète reçut des campagnes plusieurs mémoires contre la prétendue incapacité du gouvernement et de l’administration publique. Gustave III se voyait entouré d’ennemis dans la diète et dans sa cour, et il avait appris à craindre de tous côtés la trahison. On a conservé la harangue qu’il prononça à son retour dans la diète, le 3 février 1789, pour dénoncer devant la Suède tout entière la perfidie dont il avait été victime, et se concilier l’assistance énergique du reste de la nation contre une noblesse ennemie. On y sent, dans toute son amertume, le ressentiment profond qu’il exhale en présence même de ceux qui ont trahi tous leurs devoirs envers leur patrie et lui-même; mais ce ressentiment est contenu par la nécessité d’expliquer et presque de justifier sa conduite aux yeux des trois ordres inférieurs qu’il veut appeler à lui. « Il y a longtemps qu’il a été conçu, dit-il, ce projet de revendiquer l’indépendance de la Finlande pour la réunir à la couronne de Russie... Catherine II a voulu achever l’œuvre préparée par Pierre le Grand et commencée par l’impératrice Elisabeth. C’est dans cette vue, ne le comprenez-vous pas ? qu’elle a jeté la division entre vous et moi. Avec la conquête de la Finlande, elle veut l’asservissement de la Suède; en même temps elle équipe une flotte pour la Méditerranée; elle aspire à ruiner la Turquie, à étendre son empire déjà trop vaste, à régner du pôle nord aux rivages de la Mer-Noire, à dicter des lois à l’Europe tout entière. Les instrumens qu’elle a choisis dans ces derniers temps pour accomplir son cher projet, ne les connaissez-vous pas ? Je ne puis sans une profonde émotion nommer parmi les hommes qu’elle a séduits