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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/788

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contre le jacobinisme suédois. Le régent opposa ruse contre ruse, déjoua par sa police secrète les sourdes menées de Stackelberg, consulta Verninac de Saint-Maur, représentant de la république française à Stockholm, l’intéressa à sa cause, et chargea d’une mission toute secrète à Paris, en vue d’obtenir de nouveaux subsides, le baron de Staël-Holstein, ancien ambassadeur de Gustave III auprès de la cour de Versailles et connu par ses opinions libérales. La Russie ne se tint pas si tôt pour battue. Le comte Stackelberg essaya d’exciter une révolution, tout au moins des désordres populaires, dans Stockholm; il soudoya des clubs où se répandirent les plus infâmes calomnies contre le régent, et qui parvinrent même à organiser, dans la journée du 7 janvier 1793, une petite émeute d’apparence toute républicaine. On devait ainsi voir plus d’une fois, dans le cours de la période agitée qui venait de s’ouvrir, la politique russe emprunter tous les masques pour préparer ses intrigues.

Inquiète de voir tous ses complots déjoués, Catherine II s’arrêta finalement à un projet plus habile que tous les autres, et dont la conception trahit, avec l’insatiable ambition de l’impératrice, les artifices de la femme. Elle résolut de faire épouser au jeune fils de Gustave III sa petite-fille Alexandra, et de s’emparer par ce moyen et du gouvernement de la Suède et de son roi. La grande-duchesse, jeune, belle et vertueuse, fut sacrifiée aux calculs de la politique; on l’éleva dans l’espérance d’être reine de Suède un jour; l’impératrice lui vanta les qualités du jeune prince, tandis que ses émissaires essayaient en même temps de séduire Gustave IV. Toutefois le régent ne laissa pas de pénétrer ce dessein, et, redoutant les suites funestes que pourrait entraîner pour son pays une telle alliance, il résolut d’abord de s’y opposer. C’est dans cette vue que, sans tenir compte des ouvertures faites par l’impératrice, il fit presser les fiançailles de son royal pupille, lorsqu’il fut âgé de dix-sept ans, avec une princesse de Mecklembourg. Le 1er novembre 1795, on célébra à cette occasion en Allemagne et dans les principales villes de Suède des fêtes publiques dont le retentissement ne manqua pas d’exciter le dépit et la colère de Catherine. Quand le baron de Schwerin fut envoyé de Stockholm à Saint-Pétersbourg pour notifier, suivant l’usage, au cabinet russe l’alliance contractée par son souverain, Catherine II fit savoir immédiatement au gouvernement suédois que son ambassadeur ne serait pas reçu à la cour impériale. Le malheureux baron était déjà à quelques lieues au-delà de Viborg, à peu de distance de Saint-Pétersbourg. S’il reculait, il engageait trop peut-être son gouvernement; s’il avançait, il redoutait le courroux impétueux de l’impératrice. Il eut recours à un expédient : il ordonna à son cocher de laisser verser sa calèche; puis, sous prétexte qu’il était blessé.