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il entame des études prématurées, il en est puni par des retards qui finissent par tout remettre bout à bout. Or la première clé pour l’analyse des substances organiques est l’analyse même des substances inorganiques, celles-là ne pouvant exister sans celles-ci (ce qui, par parenthèse, montre la subordination nécessaire de la vie au monde inanimé). D’abord la chimie traita rudement les matières délicates qui arrivaient dans son creuset. Accoutumée à manier les sels et les alcalis, les gaz et les métaux qui, sublimés par le feu ou dissous dans l’eau, se retrouvent toujours, elle vit les agrégats bien plus mobiles et bien plus complexes qui constituent les organismes se dissiper ou se dénaturer sous ces épreuves trop grossières. Mobiles, ils disparaissaient sous ses doigts, ne laissant pour trace de leur existence que ces principes médiats, ces corps indécomposés en lesquels tout se résout ; complexes, ils se modifiaient sous l’analyse même, et prenaient des formes et des compositions toutes différentes de ce qu’ils étaient réellement quand ils faisaient partie de la substance vivante. Enfin, sous la direction de l’anatomie, qui voyait de jour en jour plus clairement ce qu’elle avait à demander, la chimie parvint à isoler, sans les altérer, les parties élémentaires, les principes immédiats des animaux.

Maintenant, ces parties élémentaires, ces principes immédiats étant ainsi isolés, à qui en revient l’éyude ? Est-ce à la chimie ? est-ce à la biologie ? Laquelle des deux doit en poursuivre les actions, en déterminer les combinaisons, en rechercher les propriétés ? A la vérité, il est bien manifeste que, sans la chimie, la biologie n’en aurait jamais obtenu la notion ; on n’a qu’à se représenter où elle en était à cet égard à l’époque où, nulle chimie n’existant, on essayait cependant de pénétrer dans la science de la vie. L’intervention de la chimie est donc ici nécessaire, elle indique d’une manière patente la subordination hiérarchique de la biologie, c’est-à-dire que celle-ci ne peut cheminer sans celle-là ; mais de cette intervention, toute nécessaire qu’elle est, il ne suit pas que les principes immédiats, en tant que partie du corps vivant, n’obéissent qu’aux lois chimiques et ne soient pas soumis à d’autres puissances que celles qui règlent les combinaisons et décombinaisons des corps inorganiques. En d’autres termes, il serait possible que la chimie fût ici un instrument sans doute indispensable, sans lequel l’exploration serait stérile et n’avancerait pas, mais pourtant un simple instrument, dont le rôle ne saurait être interverti sans dommage, ou bien au contraire il serait possible qu’à cette extrémité de l’analyse anatomique, quand on touche aux élémens et aux principes, la biologie perdit ses droits, et qu’à ces confins de l’ordre organique et de l’ordre inorganique les affinités fussent ce qui prédominât uniquement.