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se récrier sur l’imperfection de la médecine, maintes fois confondue avec la biologie, et demander qu’elle nous révèle enfin le mystère de l’organisation vivante. À cette question il n’est point de réponse, et, pour cela, la biologie n’est pas moins avancée que ses sœurs, car celles-ci aussi n’ont point de réponse à donner quand on les interroge sur la notion intime de ce qui fait l’objet de leur étude. Ni l’astronomie ne sait dire ce qu’est en soi la gravitation, ni la physique ce qu’est en soi le calorique, l’électricité, la lumière, ni la chimie ce qu’est en soi la puissance ou propriété de se combiner ou de ne pas se combiner que porte avec lui tel ou tel corps. Rechercher l’essence des choses, les causes premières, les causes finales, appartient à l’esprit humain quand, n’ayant pas encore mesuré ses forces, il suppose accessible ce qui, dans le fait, lui est complètement interdit. Il n’a aucun sens qui lui découvre une trace vers de pareilles régions. Il n’a aucun moyen direct ou indirect qui l’y conduise. Toutes les fois qu’il croit avoir trouvé un échelon, cet échelon ou se brise sous lui ou lui ouvre seulement d’autres perspectives, sans que jamais apparaisse la vue dernière qui doit le satisfaire. Aussi, instruit par l’expérience et arrivé à sa maturité, il cesse de poursuivre d’insaisissables objets, il rejette loin de lui les vains désirs qui ne sont pas de sa condition, et c’est alors que sa résignation résolue, portant les plus beaux fruits, lui révèle toutes ces agences merveilleuses qui accomplissent l’œuvre du monde, créant l’ensemble des sciences, admirable et fécond intermédiaire entre la pensée qui contemple et le bras qui agit.


III. – COMMENT LA CHIMIE ATTEINT DE SON CÔTE LA BIOLOGIE. – DE LA CONDITION SUPERIEURE DES ACTES CHIMIQUES DANS LE CORPS VIVANT.

Tandis que la biologie parvenait, après un long labeur, à déterminer les parties élémentaires des corps vivans, la chimie les atteignait aussi par une autre voie ; mais on a aussitôt l’extrême différence des deux points de vue biologique et chimique. Dans le premier, ces parties élémentaires sont les plus simples où l’organisme puisse se résoudre ; dans le second, elles sont les plus complexes que la chimie ait à étudier. L’alchimie, inconnue à l’antiquité, est une production du moyen âge, et à son tour la chimie est une production de l’alchimie. La nature des choses l’indique : l’étude chimique des corps organisés dut être postérieure à celle des corps bruts, car c’est la loi générale de l’esprit humain, il va toujours du plus facile au plus difficile, et, si l’on me permet cette expression, de ce qui est clé à ce qui est serrure ; quand se fourvoyant, dans son ignorance préliminaire,