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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/796

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d’ailleurs pour une défense maritime, lui paraissait, il l’a depuis déclaré lui-même, perdre pendant l’hiver, où elle devient de toutes parts accessible, une grande partie de sa force. L’étendue des ouvrages à garder, fort considérable comparativement au chiffre de la garnison, le manque d’officiers et d’artilleurs, l’épuisement de cette garnison occupée sans cesse à briser la glace devant les parties les plus faibles, le manque de magasins abrités et de casemates logeables, l’espoir enfin de recevoir de Suède un secours important, voilà quelles raisons déterminèrent l’amiral à conclure, après un seul mois de blocus, une convention avec l’ennemi.

Le secours attendu ne vint pas, et le 26 avril 1808 le pavillon impérial fut arboré sur les murs de la place. La Suède apprit avec indignation la conduite du comte de Cronstedt; le mot de trahison fut plus d’une fois prononcé. Ce triste épisode est encore aujourd’hui pour elle, en même temps qu’un amer souvenir, une question controversée. Le général Suchtelen, ennemi généreux, se borne dans ses mémoires à honorer la conduite de l’amiral, jusque-là parfaitement respecté, et il le plaint d’avoir été, par son destin, exposé à supporter sans être secouru un fardeau qui sans aucun doute excédait ses forces. Faut-il ajouter foi à ce qu’on a rapporté de deux stratagèmes employés par le magnanime Alexandre à cette occasion ? Suivant l’historien russe Danilefsky, on aurait confié à Sprengtporten 50,000 ducats et 150,000 roubles argent pour faciliter, comme on disait, les négociations. L’amiral Cronstedt s’étant montré une première fois incorruptible, la place de Svéaborg paraissant d’ailleurs imprenable, les Russes n’auraient réussi qu’en faisant parvenir à Cronstedt de fausses gazettes qui annonçaient l’arrivée de soixante mille Français en Scanie et la déchéance du roi. Quoi qu’il en soit des moyens employés par l’ennemi, les fautes s’accumulaient du côté des Suédois et faisaient prévoir une défaite non-seulement irrévocable et entière, mais encore ignominieuse. Le Danemark, faisant cause commune avec la Russie, avait de son côté déclaré la guerre, et s’il n’osait pas envahir les provinces méridionales de la Suède, il cherchait à les soulever à l’aide de nombreuses proclamations que des ballons y laissaient tomber à la dérobée. En même temps, pour combattre cette diversion, le gouvernement suédois ne songeait qu’à la conquête de la Norvège, au lieu de consacrer le meilleur de son énergie et de ses forces à la résistance contre les Russes. Aidés par de telles circonstances, les Russes avaient traversé presque sans obstacle toute la Finlande et s’étaient déjà même postés dans les îles d’Aland; le gouvernement de Stockholm s’était évidemment abandonné lui-même. Ainsi délaissés, les officiers de Finlande ne voulurent pas accepter une si honteuse issue, et ils résolurent de soutenir