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qui ne semblait pas les chercher : Rachel s’y livre et s’y développe avec pleine liberté et confiance; elle aime aussi ardemment qu’innocemment, et elle est parfaitement heureuse. « Si je savais mieux parler, écrit-elle à son mari, je me ferais justice à moi-même en exprimant bien, à mon bien-aimé monsieur Russell, de quel parfait bonheur je jouis à toutes ces nouvelles marques de tendresse qu’il me donne chaque jour. Telle est leur charmante vertu que j’ai beau savoir tout ce qui me manque pour mériter un si grand bien, je ne doute pas un moment de son amour. Du moins, ma chère vie, vous qui savez si bien aimer et charmer, rendez mon bonheur complet en croyant bien que mon cœur est rempli pour vous de toute la reconnaissance, de tout le respect, de toute l’affection passionnée qu’une créature peut devoir ou porter à une autre. » Et ailleurs, huit ans après : « Mon bien-aimé, la chair et le sang ne peuvent avoir de leur bonheur un sentiment plus vrai et plus vif que ne fait votre humble et dévouée femme. Je suis charmée que vous vous plaisiez tant à Stratton; puissiez-vous vivre pour vous y plaire toujours pendant cinquante ans! Et puissé-je, si Dieu le permet, y jouir presque tout ce temps de votre société ! A moins qu’il ne vous arrive un jour d’en désirer une autre. Je crois qu’alors je laisserais là volontiers ce monde et tout au monde, sûre que vous prendriez soin de nos petites créatures. Elles vont bien toutes deux, et votre grande fille espère que vous avez reçu sa lettre. » Et ailleurs encore, un an plus tard : «Voici quelqu’un qui se prépare et va se mettre en route pour aller voir celui dont je désire la vue mille fois plus que nul autre ne peut le faire; je ne puis me résoudre à laisser partir cet heureux mortel sans dire au moins quelques mots à ma chère vie... Je voudrais lui dire mille choses, n’importe quoi, pourvu que mes paroles aillent à lui. Mais Spencer est là qui attend ma lettre; il voulait partir de bonne heure; je l’ai déjà retardé. Vous écrire est le charme de ma matinée; vous avoir écrit sera la consolation de ma journée. J’écris dans mon lit, ton oreiller derrière moi; c’est là que ta tête chérie reposera, j’espère, demain soir, et bien des jours encore. Je me confie dans la bonté de Dieu, en dépit de vos jaloux et de vos ennemis. Aimez-moi et trouvez bon que je vous aime comme je le fais. »

Lad y Russell ne se bornait pas à entretenir son mari de son amour; elle le lui témoignait activement, dans les plus petites comme dans les plus grandes choses, en s’associant à toutes ses relations, à tous ses goûts, en vivant avec lui dans le monde quand il voulait du monde, à la campagne quand il préférait la campagne, en prenant soin de ses amusemens comme de son bonheur. Quand ils étaient séparés, l’un à Stratton et l’autre à Londres, ce qui leur arrivait