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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/961

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soi-même. Dès lors il arriva aux Français du XVIe siècle ce qui est arrivé à tous les peuples, lorsqu’on leur a présenté trop brusquement la liberté et qu’on a voulu leur arracher une servitude qui s’était confondue avec leur propre chair : ils entrèrent en fureur.

De là jaillit une certaine lumière sur le fond permanent de notre histoire. La race indigène a été conquise deux fois, d’abord par les Romains, puis par les Francs. On a répété que la révolution française, c’est le Gaulois émancipé des Francs; tout le monde peut voir que la conquête romaine dure encore; la crainte de Rome est restée la religion du Gaulois.

Après avoir été dupes du prince dans le moyen âge, voici que nous le sommes du peuple à la renaissance. Nous avons jugé le premier sur le costume, nous jugeons le second sur l’insurrection. Toute émeute, fût-elle conduite par Philippe II, nous la croyons faite pour nous. Point de barricades, même des pères de la foi, où nous ne croyions voir d’avance notre drapeau, toujours amusés par le dehors, regardant la cocarde et non le cœur.

Les hommes de la ligue et de la Saint-Barthélémy furent au XVIe siècle ce que les Vendéens, les san-fédisies, les adorateurs de saint Janvier, ont été dans le nôtre. Ceux-ci ont été plus royalistes que le roi; ferons-nous d’eux pour cela les précurseurs des libertés modernes ?

Pour achever notre chaos, nous avons rencontré de nouveau les Allemands, qui ont tant contribué à épaissir la nuit. Nous nous étions contentés de dire : L’absolutisme enfante la liberté! Détruisant du même coup le bon sens et la conscience, les Allemands ont étendu cette maxime en la généralisant par cette autre : pour faire prévaloir le pour, il faut faire prévaloir le contre; pour donner la victoire au catholicisme, il faut la donner au protestantisme! — Dès lors l’histoire est devenue cette belle confusion que vous voyez aujourd’hui, où nous avons peine à nous retrouver nous-mêmes.


IV.

Après les embarras du XVIe siècle, où nous avons failli échouer, les grandes difficultés de la méthode sont dévorées. Une route royale s’ouvre devant nous, rien ne nous y arrête. Le despotisme, en simplifiant tout, nous rend tout plus facile. Rentrés à corps perdu dans l’unité de la monarchie absolue, nous y voilà abandonnés pour deux

siècles. C’est notre âge d’or. 

Après avoir épuisé nos sympathies sur Louis XI, que dirons-nous de Richelieu ? Si le premier est le précurseur de notre révolution