Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à toute opposition régulière, sont faibles en nombre et en influence ; mais, quoique faibles, nous avons le droit, et c’est assez. »

Cette inflexibilité de principes le mettait hors de la politique possible ; mais elle était d’accord avec ses goûts, et, en agissant ainsi, il cédait à son humeur autant qu’à ses convictions. Il était homme de parti par sa fidélité à ses opinions et à ses amitiés ; il ne l’était point par la complaisance envers les siens, par le talent de les tenir unis et de les conduire. Un peu exclusif dans ses affections comme dans ses idées, il s’isolait de la foule ; il suivait ses propres inspirations sans s’assurer qu’elles fussent partagées autour de lui. Il aspirait à être le premier plutôt que le maître. Il cherchait la popularité, mais il bravait l’opinion publique. C’est ainsi qu’il avait autrefois si gravement compromis sa cause, d’abord par sa rupture avec lord Shelburne, puis par son alliance avec lord North, et qu’enfin aux élections de 1784 il avait en quelque sorte détruit de ses mains la puissance du parti whig. Confiant dans sa supériorité, il croyait toujours tout réparer par l’empire de la discussion. Dans le débat en effet il n’avait pas de supérieur, ni même d’égal ; mais il était plus fait pour combattre que pour vaincre, et le soin laborieux de gouverner les hommes allait peu à sa négligence. Il savait mieux se faire aimer qu’obéir. La politique qu’il adopta devant la révolution française fait honneur à son caractère et ne fait pas de tort à ses lumières ; seulement il aurait dû compenser ce qu’elle avait de périlleux par l’adresse, la vigilance, la prudence. C’était le cas de prendre en main la direction de son parti, et de chercher à racheter le système par la conduite. Malheureusement il se désintéressa de toute ambition, et ne prit soin que de son indépendance personnelle et de la gloire de son talent.

Toutes les qualités qui pouvaient manquer à Fox étaient éminentes dans son rival, et Pitt s’inquiétait peu, tant qu’il aurait l’Angleterre avec lui, d’encourir le reproche d’inconséquence et de duplicité. Tandis que Burke voulait qu’on guerroyât pour le roi de France contre ses sujets révoltés, on diminuait son royaume en lui enlevant ses colonies. On prenait Toulon pour Louis XVII et la Martinique pour l’Angleterre. En désavouant toute intention d’imposer à la France un gouvernement, on qualifiait de telle sorte la république, qu’autant valait, prendre l’engagement de ne poser les armes qu’après la restauration de la maison de Bourbon. « C’est donc une guerre à mort avec des proclamations jésuitiques ? » avait dit Fox le premier jour qu’elle fut déclarée. La passion publique fut pendant un temps assez vive pour rendre les esprits insensibles à tant de fausseté et de contradiction, et il essaya vainement une apologie de sa politique et de sa conduite. Sa lettre aux électeurs de Westminster parut une redite