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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/246

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pour lui demander des chevaux, fut mis quelques jours en prison, et on ne sait trop comment la chose aurait tourné, si La Porte, en ayant l’air de céder à l’ordre officiel que la reine lui envoya de tout dire, n’eût admirablement confirmé les déclarations de sa maîtresse dans la mesure concertée, et par là persuadé au cardinal et au roi que toute cette affaire n’était pas aussi importante qu’ils l’avaient jugé d’abord.

Est-il besoin de dire de quelle vive reconnaissance la reine fut pénétrée pour Jars, pour La Porte, et surtout pour sa jeune et intrépide amie, et quelles promesses elle lui fit, si jamais elle voyait de meilleurs jours ? Mais Marie de Hautefort avait déjà reçu sa récompense. Elle avait senti battre dans son cœur l’énergie qui fait les héros ; elle s’était oubliée pour une autre, elle s’était mise avec l’opprimée contre l’oppresseur ; elle avait été compatissante, charitable, généreuse, chrétienne enfin, selon l’idée qu’elle s’était faite et qu’elle soutint jusqu’à son dernier soupir de la religion du crucifié.


II

Dès que la grossesse de la reine fut déclarée au commencement de l’année 1638, elle dissipa l’impression des tristes scènes qui venaient de se passer, et ramena dans la cour un peu de concorde et d’agrément. Mlle de Hautefort avait alors vingt-deux ans. Quelques années avaient augmenté l’éclat de ses charmes. Louis XIII, qui s’en était détaché avec tant de peine, sentit en la revoyant ses anciens feux se rallumer, et Mlle de La Fayette n’étant plus là pour le distraire, il redevint plus amoureux que jamais de Mlle de Hautefort. Ces secondes amours durèrent deux années ; elles furent, comme les premières, chastes et agitées. Nous n’y insisterons point, et nous nous bornerons à dire que Mlle de Hautefort ne mit point à profit pour sa fortune ce retour de la tendresse du roi. La seule grâce qu’elle consentit à recevoir, et encore de la main de la reine autant que de celle du roi, fut la survivance de la charge de dame d’atours qu’occupait sa grand’mère, Mme de La Flotte ; dès ce moment, elle eut le droit d’être appelée madame, et désormais nous-même l’appellerons ainsi. Sa sœur, Mlle d’Escars, devint une des filles d’honneur de la reine, et son jeune frère, le comte de Montignac, qui était déjà dans les cadets aux gardes, entra dans la compagnie des mousquetaires du comte de Tréville. Après les couches de la reine, Mme de La Flotte, qui n’avait pas l’humeur aussi désintéressée que sa petite-fille, désira vivement monter de sa place de dame d’atours à celle de gouvernante du petit dauphin. On poussa Mme de Hautefort à en parler à Louis XIII et même à Richelieu ; elle le fit, mais avec une