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vaillant, » et, ne s’en tenant pas aux paroles, il fit part de sa résolution à la reine, et lui demanda son agrément, qui ne fut pas refusé[1]. Cette fidélité généreuse toucha Mme de Hautefort, mais n’eut pas le pouvoir de la faire sortir de son couvent. Gassion ne fut pas plus heureux. Il n’avait pu la voir sans l’aimer, ainsi que nous l’avons dit, mais il n’avait pas osé se déclarer. Venant d’être fait maréchal, très bien avec la cour et avec les Condé, et ayant devant lui la plus brillante carrière, il s’enhardit un peu, et sans confier son dessein à personne, il prit le parti de risquer lui-même l’aventure, et un jour il se présenta au parloir des filles de Sainte-Marie. Mme de Hautefort fut bien surprise lorsqu’on l’avertit que le maréchal de Gassion la demandait à la grille. Elle fut bien plus surprise encore et fort embarrassée quand il lui fit une déclaration inattendue, et lui témoigna la passion qu’il avait pour elle et son intention de l’épouser, si elle daignait y consentir. Elle demeura assez longtemps sans lui pouvoir répondre. À la fin, après avoir rappelé ses esprits, elle lui dit qu’elle se sentait tout à fait obligée de d’honneur qu’il lui faisait, que ce serait un très grand avantage pour elle qu’un pareil mariage, qu’elle y voyait un seul obstacle, la différence de religion, parce qu’elle ne se pourrait jamais résoudre à épouser quelqu’un qui ne serait pas catholique. N’ayant pas envie de se convertir, le maréchal prit cette réponse pour un congé ; il s’en alla fort affligé de n’avoir pas réussi, mais un peu consolé de n’avoir pas eu de témoin de son échec[2].

Quelque temps après, la belle recluse reçut une autre visite, ou du moins un autre message qui ne la trouva pas aussi insensible. Elle quitta sa pieuse retraite ; sans aller à la cour, elle reparut dans le monde ; et bientôt le bruit se répandit que Mme de Hautefort allait devenir la maréchale duchesse de Schomberg. Tous les cœurs honnêtes, sans distinction de parti, applaudirent à l’idée d’une union si bien assortie. Une seule personne s’en affligea : ce fut la sœur du maréchal, Jeanne de Schomberg, la duchesse de Liancour. Elle avait soupçonné quelque chose de la passion que son mari avait autrefois ressentie pour Mme de Hautefort ; elle craignit une alliance qui la pouvait rallumer, en exposant M. de Liancour à voir sans cesse cette beauté redoutable, et elle entreprit d’empêcher le mariage, déjà bien avancé. Elle dissimula ses véritables craintes, et, allant voir Mme de Hautefort, elle lui dit en toute confidence que M. de Schomberg avait fait de grandes dépenses à l’armée et dans ses différentes

  1. Archives des affaires étrangères, FRANCE, t. CVI, lettres de Gaudin du 23 avril et du 6 mai.
  2. Vie manuscrite.