avec lui cette sympathie secrète qui me permet la reconnaissance, même envers un arbre !
Le père de Rhodes partit enfin pour la Chine. Après avoir heureusement échappé à la poursuite des Hollandais, qui étaient alors en guerre avec le Portugal, il arriva à Macao le 29 mai 1623. Il y avait près de cinq ans qu’il était parti de Rome ; il lui avait fallu plusieurs fois changer de navire, s’arrêter presque dans chaque port pour attendre le vent, courir mille dangers, affronter les ouragans, les écueils, les infidèles, les Hollandais enfin, « ces grands ennemis de toute piété » pour aborder aux rives de ce grand royaume après lequel il avait longtemps soupiré. Sans doute cette longue traversée n’avait pas été stérile pour le missionnaire. Il avait, chemin faisant, versé sur des milliers de fronts l’eau du baptême. La vue des tombeaux de saint François-Xavier et de saint Thomas avait retrempé son ardeur évangélique. Un miracle authentique avait récompensé sa foi en arrachant aux écueils le navire qui le portait. La Chine lui était bien due, et nous sommes impatiens d’y entrer avec lui. Que d’observations intéressantes, que de notions nouvelles ne va-t-il pas nous révéler sur cet empire, qu’il visitait au milieu du XVIIe siècle et où il a vécu plus de dix ans ! Il y a en effet, dans les vieilles descriptions des pays lointains, de ceux-là même que les voyageurs modernes nous ont fait connaître, un charme particulier de nouveauté. Malheureusement notre curiosité sera déçue. Par un étrange excès de modestie, le père de Rhodes juge superflu de s’étendre sur les « beautés et les grandes raretés du royaume de la Chine après tant de bons auteurs qui les ont écrites au long avant lui, » et il ne consacre à cette partie de son voyage que quelques chapitres d’une brièveté désespérante. Il vante beaucoup d’ailleurs la Chine et les Chinois ; il exalte la richesse du sol, l’intelligence et l’esprit des habitans. La plupart des missionnaires pendant les deux derniers siècles, notamment les jésuites, se sont montrés très favorables aux Chinois, et on leur a reproché l’exagération de leur optimisme. Pourquoi blâmer cette impression à la fois si naturelle et si charitable ? Le prêtre indulgent qui dissimule les défauts et met en relief les vertus des peuples qu’il veut convertir n’inspire-t-il pas plus de sympathie et de respect que ce missionnaire morose qui, par dépit sans doute, médit orgueilleusement des âmes dont il n’a pas su trouver le chemin ? Le père de Rhodes reconnaît que les Chinois sont matérialistes, qu’ils adorent de faux dieux, parmi lesquels il range « un certain Confucius, » qu’ils croient aux sorciers, secte très nombreuse ; mais cela ne l’empêche pas d’établir, avant tout, qu’ils sont « pleins d’esprit, » ni d’espérer leur conversion à la vraie foi. En même temps il saisit l’occasion de déclarer qu’on a calomnié les jésuites quand on leur a imputé pour le culte des images chi-