Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/522

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des tombeaux. Le père de Rhodes fut donc envoyé dans les contrées qui s’étendent au sud de la Chine ; il visita ainsi à plusieurs reprises la Cochinchine et le Tonkin, et ce fut là que s’accomplirent les œuvres les plus brillantes et les plus méritoires de son apostolat.

Au temps du père de Rhodes, les géographes européens ne se souciaient guère de ces deux royaumes : doit-on les en blâmer ? Nos géographes d’aujourd’hui ne sont guère plus avancés sur la configuration du Tonkin, et bien que la Cochinchine soit un peu moins inconnue, on trouverait difficilement encore dans les ouvrages modernes une description approximative de ce curieux pays. Les missionnaires catholiques furent probablement les premiers voyageurs qui pénétrèrent en Cochinchine. Le père de Rhodes signale un Napolitain, le père François Busomi, et un Portugais, le père Diégo Carvalo, qui arrivèrent dans le pays en 1615. Il s’y rendit lui-même en 1624, et l’année suivante la jeune église de Cochinchine ne comptait pas moins de dix missionnaires, dont les prédications obtinrent d’abord un grand succès. Il en fut de même au Tonkin, où le père de Rhodes arriva en 1627, et fut immédiatement accueilli à la cour. Il faut voir comment l’habile missionnaire s’insinue dans les bonnes grâces du roi. Dès sa première audience, il lui présente un beau livre de mathématiques « fort bien doré, » ce qui amène naturellement la conversation sur le ciel et sur les astres, puis, par une pente insensible, sur le Seigneur du ciel. Le roi l’écoute deux heures durant, et, charmé de ses discours, il l’invite souvent à dîner. Un jour il le mande auprès de lui pour se faire expliquer le mécanisme d’une horloge à roues et d’un poudrier qui lui avaient été donnés en cadeau. Le père de Rhodes monte l’horloge, installe le poudrier, et annonce que l’heure sonnera lorsque toute la poussière sera descendue dans le compartiment inférieur. Je laisse le père de Rhodes raconter lui-même la scène, « Le roi trouva cela beau et voulut voir si je disais vrai. Je me retirai loin de l’horloge, crainte que l’on ne crût que je la touchais. Je commençai à faire un discours des éclipses en attendant l’heure. Le roi avait toujours l’œil au poudrier, et quand il le vit quasi tout passé, il le prit en main. « Le voilà, dit-il, coulé, et votre horloge ne sonne point. » Comme il dit cela, l’heure sonne. Le roi en fut ravi, et me dit que si je voulais demeurer avec lui une couple d’ans, il serait bien aise de me voir souvent. » Ce fut ainsi que sonna au Tonkin la première heure du catholicisme. Quel effet ne produiraient pas aujourd’hui à la cour de tant de souverains si prompts à s’étonner les merveilles de la science moderne ? J’ai vu l’ébahissement d’un mandarin chinois soumis à l’action d’une petite pile voltaïque. Tout récemment, lors de la conclusion de leur traité de commerce avec le Japon, les Américains ont donné aux ambassadeurs de la cour de Yédo le spectacle d’une locomotive glissant sur des rails, et ils ont