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saveur agréable qui caractérisent les meilleures préparations de ce genre, et leur ont fait donner le nom de thé de viande. Quant au produit de la décoction des os, il était tout différent : sa couleur d’un blanc grisâtre, son aspect trouble, son opacité, persistaient après un repos de dix heures. Il exhalait une odeur faible et présentait une saveur peu agréable. Le bouillon ainsi tiré des os était donc très différent, sous tous les rapports, du bouillon de viande,

La deuxième série d’expériences devait se rapprocher plus encore de la préparation habituelle : on ajouta effectivement dans chacune des deux marmites, d’une capacité environ de cinquante litres, les doses ordinaires de légumes et même quelques gouttes de caramel. La différence entre les deux produits obtenus devait être moins grande ; elle fut notable cependant : le bouillon de viande avait gardé son arôme propre, agréablement combiné avec l’odeur des légumes ; sa limpidité était la même, sa couleur avait nécessairement un peu plus d’intensité. Quant au bouillon d’os, son odeur très dominante provenait évidemment des légumes ; il aurait sans doute paru agréable, si son aspect trouble n’eût fait naître une fâcheuse prévention.

La conclusion naturelle à tirer de ces expériences, c’est que le préjugé traditionnel favorable à l’addition des os dans le pot-au-feu ne saurait être de l’invention des consommateurs, car au fond il n’a rien de vrai. On doit croire plutôt qu’il a pris sa source chez les vendeurs, puisqu’il s’accordait parfaitement avec une pratique vraiment utile pour eux, qui leur permettait naguère de vendre une dose assez forte d’os isolés au même prix que la chair musculaire.

L’autre préjugé dont nous avons à parler est relatif au débit de la viande de vache. Cette viande de vache est assimilée par les ordonnances nouvelles à celle du taureau ; toutes deux, formant une classe à part, sont taxées à un prix de beaucoup inférieur au prix des catégories correspondantes du bœuf ; la différence est en moyenne de 40 centimes par kilogramme, ou de 23 à 50 pour 100 au-dessous des taxes du bœuf. Parmi les agriculteurs, cette mesure a excité les plus vives appréhensions. Nous dirons d’abord par quels faits nous comprenons qu’elle ait pu être motivée, puis nous montrerons comment les méthodes nouvelles qui ont changé l’ancien état de choses justifieraient sur ce point une modification importante aux règles de la taxe.

L’infériorité des qualités comestibles de la chair du taureau est unanimement reconnue : le caractère de l’animal, ses emportemens et le rôle qu’il remplit, tout s’oppose chez lui à la nutrition régulière des muscles, à la formation graduée des sécrétions adipeuses. Donc point de difficulté à cet égard. C’est sur le débit de la viande de vache seulement qu’ont pu se produire des opinions contraires qu’il faut examiner.