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lui-même, et tous ceux des contrées voisines que leur faiblesse expose aux invasions des flibustiers obtiennent à cet égard du cabinet de Washington les sûretés que lui seul peut donner, et qu’ils les obtiennent sous la caution régularisée de l’Europe : ce sera un résultat important acquis à la cause connu une de la civilisation et de l’humanité. Les Américains du Nord cesseront alors d’être l’objet de cette inquiète surveillance qui s’attache à tous leurs mouvemens, et néanmoins ils ne perdront rien des avantages légitimes qui appartiennent à la proximité, aux rapports établis, à l’esprit d’entreprise et à la force d’expansion dont ils sont doués.

Le Brésil a cédé enfin aux réclamations qui lai étaient adressées de toutes parts contre la prolongation du séjour de ses troupes sur le territoire de l’État Oriental, et l’occupation de Montevideo a cessé vers le milieu du mois de novembre dernier. C’est maintenant aux Montévidéens à prouver qu’ils n’ont pas besoin d’une tutèle étrangère, qu’ils sont assez sages pour ne pas faire de révolutions, et que s’il y a dans leur sein des fauteurs de désordre et d’anarchie, la masse de la population est assez bien disposée pour défendre l’autorité légale par ses propres forces. Est-il permis de l’espérer ? Nous ne savons, car il y a de grands élémens de discorde sur les deux rives de la Plata. Les passions politiques y sont toujours très vives ; les ressentimens des vieilles luttes sont loin d’être éteints dans les cœurs ; des ambitions, souvent bien méprisables, sont toujours prêtes à remettre en question l’existence des gouvernemens, et toutes les exagérations de l’esprit démagogique s’y donnent libre carrière dans des journaux ouverts aux plus folles illusions d’un radicalisme emphatique et déclamatoire. Cependant les débuts de la situation nouvelle où le départ des troupes brésiliennes a placé Montevideo sont encourageans. Une conspiration contre le gouvernement qui est sorti de la dernière crise ayant éclaté dans la capitale, sous les auspices d’un avocat appelé Munos, qui aspire à la direction du parti turbulent dont le général Pacheco était le chef, la cause de l’ordre et des lois a triomphé après quatre jours d’une lutte sanglante, pendant laquelle Français, Anglais et Sardes, habilement retenus dans une sage neutralité, ont célébré, non sans peine et non sans quelque danger, la prise de Sébastopol par un Te Deum et un banquet où tout s’est fort bien passé.

Les Brésiliens avaient déjà quitté la ville. L’administration légale n’a donc pas eu à réclamer d’eux l’assistance qu’ils lui devaient d’après les traités, et néanmoins, pour la première fois depuis plusieurs années, le pouvoir constitutionnellement établi est resté maître du terrain. Ce dénoùment est dû à l’accord des deux élémens que représentent Florès et Oribe, celui-ci chef du parti de la campagne, l’autre, quoique gaucho d’origine, si nous ne nous trompons, devenu, par suite de différentes péripéties, le personnage principal du parti de la ville dans ce qu’il a de moins exclusif et de plus modéré. Dès le H novembre, trois jours avant le départ des troupes brésiliennes, ces deux généraux, les deux plus grandes influences du moment, frappés de la désorganisation croissante du pays et de la faiblesse du pouvoir, et craignant aussi que les partisans du Brésil n’excitassent des troubles pour retarder l’évacuation, ou pour donner un prétexte de la faire regretter, s’étaient entendus pour offrir à leurs compatriotes un point de ralliement dans un programme excellent comme tous les programmes, mais