Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/793

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soyons mieux informé à l’avenir de ta santé et de tout ce qu’il te plaira de nous apprendre. Salut encore une fois dans le Seigneur. »

Charlemagne passa l’Ens, et traversa sans trouver d’ennemis la contrée avoisinante : c’était le malheureux pays que les Huns et les Bavarois s’étaient disputé si longtemps, et dont ils avaient fait un désert. La rivière d’Ips n’arrêta pas sa marche, quoique sans doute le pont construit jadis par les Romains eût été coupé ; la forte position de Lemare, aujourd’hui le Moelk, ne lui opposa point de résistance ; ce n’est qu’à l’approche du mont Comagène qu’il aperçut du mouvement, des bandes armées et tous les signes d’une défense énergique. Un bras des Alpes de Styrie, projeté vers le Danube, ne laisse entre ses escarpemens et le fleuve qu’un étroit défilé, fameux dans l’histoire des guerres danubiennes, le défilé du mont Kalenberg, alors mont Cettius. Il couvre à l’est Vindobona, Vienne, ville obscure jadis, devenue importante dans les derniers temps de la domination romaine, où on la voit remplacer l’antique Carnuntum comme métropole de la Pannonie supérieure. En avant et du côté de l’ouest, le défilé est couvert lui-même par une montagne qui en protège les approches ; c’est le mont Comagène, dont nous avons déjà parlé. Un château établi sur cette montagne et un rempart ou haie fortifiée interceptaient la route, reliant au Danube la chaîne du Cettius, embarrassée d’épaisses forêts et ravinée par des torrens. Charlemagne dut faire halte pour assiéger régulièrement le rempart et la forteresse. À l’opposite du mont Comagène, de l’autre côté du Danube, descend des hauts plateaux de la Moravie la rivière de Kamp, sinueuse et profonde, qui se jette dans le fleuve par sa rive gauche : les Huns en avaient fait le fossé d’un second rempart, qui formait à travers le Danube la continuation du premier et complétait le barrage de la vallée. Le rempart de la Kamp arrêta le corps d’armée du comte Theuderic, comme celui de Comagène avait arrêté Charlemagne : mais il fut plus promptement enlevé, soit force naturelle moindre, soit moindre résistance, les Avars ayant porté leurs principaux moyens d’action sur la rive droite. Plusieurs assauts tentés par Charlemagne contre le château et la haie de Comagène avaient échoué, et les assiégés, munis d’une énorme quantité de machines de jet, lui faisaient éprouver de grandes pertes par leur artillerie, quand les troupes de Theuderic, maîtresses des lignes de la Kamp, parurent sur la rive gauche, et que la flotte, arrivée à propos, se déploya en bon ordre sur le fleuve. Cette vue ranima le courage des Franks, en même temps qu’elle remplit les Huns de terreur. Craignant d’avoir la retraite coupée, ces barbares s’enfuirent avec leurs troupeaux ou dans les bois épais que recelait la montagne, ou derrière la plus prochaine enceinte, laissant le château de Comagène, puis la ville de Vienne, à la merci