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latin qui en indiquait le poids. C’étaient aussi deux calices de l’or le plus fin, dont le plus petit pesait dix-huit marcs, dont le plus grand, épais d’un doigt, avait deux anses qui remplissaient les mains de celui qui le soulevait, et avait la forme d’un mortier. L’un et l’autre étaient tout parsemés de pierreries. »

La guerre avait eu son triomphe, la foi attendait le sien. Lorsqu’on jugea Tudun et ses compagnons suffisamment instruits des vérités chrétiennes pour être admis au sacrement du baptême, on procéda à cette solennité avec un grand éclat, devant un immense concours de peuple. L’usage était, à la cour de Charlemagne, que les catéchumènes convertis par ses soins, avant d’approcher du baptistère, se dépouillassent entièrement de leurs habits pour se revêtir de robes ou longues chemises blanches, du fin le plus fin, qu’on leur abandonnait ensuite en commémoration de leur baptême. Ce cadeau était fort recherché des sauvages païens du nord, témoin ce vieux soldat saxon, qui se vantait de s’être fait baptiser vingt fois pour se composer une garde-robe de chemises de lin, s’il faut en croire le moine de Saint-Gall, dont les anecdotes ne sont pas toujours bien dignes de foi. Sous ce costume, étrange pour un successeur d’Attila, Tudun, à genoux près de la piscine, fut lavé de l’eau baptismale, que chaque noble avar reçut à son tour. L’église d’Aix déploya pour cette grande occasion ses plus riches ornemens et le luxe de ses processions d’évêques et d’abbés, étincelans d’or et de pierreries, qui faisaient dire à un ambassadeur du khalife Aroun : « J’avais vu jusqu’à présent des hommes de terre, aujourd’hui je vois des hommes d’or. » Les vers et la prose ne manquaient jamais aux fêtes de Charlemagne, à qui c’était faire sa cour que d’aimer les lettres ; ils vinrent en abondance dans celle-ci, et les lettrés absens tinrent eux-mêmes à honneur d’y être représentés. Alcuin, dont le nom académique était Albinus, comme celui d’Angilbert était Homère et celui de Charlemagne lui-même David, félicitait le roi, dans une lettre artistement travaillée, « d’avoir courbé sous son sceptre victorieux cette race des Huns, si formidable par son antique barbarie, d’avoir attaché ces fronts superbes au joug de la foi, et fait briller la lumière à des yeux qui semblaient éternellement voués aux ténèbres. »

Théodulf, évêque d’Orléans, envoya aussi son tribut dans une pièce de vers que nous avons encore, pièce composée évidemment pour les savans membres de l’académie Caroline, qu’il désigne toujours par leurs sobriquets littéraires, et dont il s’occupe beaucoup plus que des Huns et de leur conversion. L’Italien Théodulf, que Charlemagne retenait près de lui à force d’argent et d’honneurs, dont il avait fait un de ses missi dominici, puis un évêque d’Orléans, était alors le poète à la mode, le Fortunat d’une cour où la politesse essayait de renaître par la culture des lettres, et où l’on enviait aux