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retrouva la banquise dirigée de l’est à l’ouest, et la suivit sur une très grande longueur : il apercevait partout derrière elle le haut pays, formé par une chaîne de montagnes moyennement élevées de 1,000 mètres et recouvertes par des neiges éternelles. Sur une montagne de glaces où l’on put aborder, on trouva des fragmens des roches de la terre qui fermait l’horizon, et qui furent reconnues pour du grès rouge et du basalte. Wilkes s’avança ainsi jusqu’à la longitude de 100 degrés, mais à ce point la côte change de direction ; au lieu de continuer à l’ouest, elle s’infléchit rapidement vers le nord. Wilkes se trouva ainsi arrêté ; la saison d’ailleurs était trop avancée pour qu’il pût espérer atteindre la terre d’Enderby, qu’il croyait sur le prolongement des côtes qu’il avait explorées. Dans sa campagne, il avait suivi à peu près le cercle polaire antarctique sur 70 degrés, c’est-à-dire sur près du quart de sa longueur.

Les mers du sud furent visitées sur d’autres points par l’expédition anglaise commandée par sir James Clark Ross : il apprit, à son arrivée à Van-Diémen, la découverte de la terre Adélie et de la côte Clarie, et Wilkes lui envoya une carte de celles qu’il avait faites. Il se décida à entrer dans la zone antarctique sous le méridien de 170 degrés est, parce que Balleny, en 1839, y avait trouvé la mer dégagée jusqu’à 69 degrés de latitude. La connaissance que possédait Ross des mers arctiques lui permettait de bien saisir les caractères particuliers à chacune des deux régions polaires ; il fut frappé de la simplicité de formes des montagnes de glaces australes, masses tabulaires colossales coupées par des pans verticaux et presque toujours parfaitement régulières ; formées de fragmens des énormes banquises qui suivent les côtes, elles sont beaucoup plus nombreuses que les blocs irréguliers descendus des glaciers. Les champs de glaces ne présentent plus comme dans la zone boréale de grandes plaines unies, divisées par des murailles de débris qui marquent le contour des différentes pièces de ces vastes mosaïques. Ceux des mers antarctiques sont beaucoup plus incohérens en quelque sorte ; formés dans des mers agitées, ils ne sont composés que par une multitude de débris ressoudés, et de loin ces surfaces éphémères ressemblent, suivant une expression de Wilkes, à un champ labouré.

Ross se fraya un chemin à travers ces glaces superficielles, et dépassa le cercle polaire antarctique le 1er  janvier 1841. Il arriva bientôt dans une mer encombrée de montagnes de glaces très puissantes. Ses navires subissaient parfois des chocs terribles, mais ils avaient été construits pour les glaces : ils pouvaient résister à de très fortes pressions et avancer là où les corvettes de Dumont d’Urville et les vaisseaux de Wilkes n’auraient sans doute jamais pu se risquer. Bientôt, comme autrefois Weddell, Ross vit la mer de plus en plus